Un recueil tant attendu
Coucou ! Vous êtes encore là malgré mon long silence ? Je l'espère car j'ai une grande nouvelle pour tous les fidèles lecteurs de Maman.
Cela fait bientôt cinq mois qu'elle nous a quittés. A mes enfants et moi, elle manque tous les jours, c'est une banalité de le dire mais c'est la vérité. Donc je ne vais pas chercher quelque tournure littéraire qui exprimerait joliment le vide qu'elle a creusé, je le dis tout cru : elle me manque, elle nous manque. Mais là n'est pas le propos de ce billet.
Pour vous, Maman était Lorraine. Lorraine, la vieille dame poète qui parlait au coeur de ses lecteurs. Lorraine-la-romanesque, qui avait beaucoup rêvé au temps de l'enfance puis de l'adolescence et s'en souvenait avec les mots de son époque, riches, beaux, parfois un peu désuets mais porteurs de sens puisqu'ils ressuscitaient l'âme des jeunes filles en fleurs. Lorraine-la-virtuose, qui jouait avec brio toute la gamme des sentiments et leurs nuances les plus subtiles. Lorraine-l'émerveillée, que la vieillesse ne trouvait pas blasée mais au contraire toujours avide des plaisirs de la vie, des beautés de la nature, des richesses des rencontres et des échanges. Lorraine-la-gaie aussi (ah, les perles de son rire !), qui savait s'amuser d'un bon mot, d'une situation insolite, d'un souvenir cocasse, d'un présent plaisant Lorraine-l'amoureuse, enfin (surtout ?), qui savait comme personne exprimer la nostalgie non tant de sa jeunesse que de la passion pour le beau ténébreux trop tôt disparu qui l'avait séduite cinquante ans auparavant.
En s'envolant en ce froid matin de février pour le pays des poètes, Lorraine vous a laissés orphelins de la musique de ses mots. Vous avez exprimé votre admiration et votre peine sur ce blog ou me les avez dits sur le mien. Or, à la suggestion de plusieurs d'entre vous, elle caressait depuis longtemps le projet de voir certains poèmes réunis en recueil. Ne sachant comment faire, c'est l'amie Quichottine, qui, fin 2016, s'est chargée de la réalisation pratique de ce projet, tandis que j'y joignais quelques-unes de nos photos de famille pour illustrer une première édition réservée à nos proches et amis. Elle était hospitalisée quand j'ai pu le lui offrir et ce fut pour elle une merveilleuse surprise. Plus tard, cependant, alors qu'elle reprenait quelque force, elle a souhaité que ce recueil puisse être mis à la disposition des lecteurs de son blog. Quichottine et moi avons donc remis l'ouvrage sur le métier afin d'en proposer une version illustrée de photos moins personnelles mais tout aussi signifiantes. Cette seconde édition, Lorraine n'aura pas eu la joie de la feuilleter mais je lui avais promis de la finaliser et, de là où elle est, je sais qu'elle nous a accompagnées à chaque étape de la remise en forme du recueil.
Aujourd'hui, "Le cahier du soir" est accessible à chacun en version papier (152 pages). Vous pouvez vous le procurer* sur le site des éditions "The BookEdition" dans la collection des "Anthologies Ephémères" initiée par Quichottine et dont tous les bénéfices sont reversés à l'association "Rêves" qui réalise les voeux d'enfants gravement malades. Ainsi, en retrouvant la plume élégante de Lorraine, vous aiderez des fillettes, des jeunes garçons, malmenés dans leur corps et dans leur coeur, à s'évader pour quelques heures d'un quotidien ô combien difficile. Lorraine adorait les enfants, admirait leur spontanéité et leur force de vie. Elle aussi a connu la maladie et l'avenir qui s'assombrit. J'en suis sûre : elle aurait aimé savoir qu'au-delà de l'émotion littéraire, ses vers, joyeux ou nostalgiques, servent aussi à mettre un peu de baume au coeur de petits patients courageux que la réalisation de leur rêve peut aider à lutter contre la maladie.
Alors, bonne lecture !
Mamilouve
* 12 € + fais de port
Une vie
Parce que j'aimerais tant garder ce blog vivant (le mot est osé), parce que je me dis que vous seriez heureux de retrouver de temps à autre la plume élégante de Lorraine, je vous livre un poème qu'elle voyait comme une sorte de "point final", même si elle en a encore écrit bien d'autres ensuite. Il dit le passage du temps, la résignation face à l'inéluctable mais sa volonté tenace de rester debout, forte et semblable à elle-même jusqu'au bout. Et la sérénité. C'est peu dire qu'il lui ressemble.
UNE VIE
Comme l'herbe était haute aux jardins d'autrefois
Et secrets les sentiers allant à la dérive
J'avais dans le cheveux l'odeur âpre des prés
Quand je m'en revenais un peu lasse et pensive
Je n'irai plus jamais flâner près de l'étang
Les dimanches de mai quand le ciel étincelle
Et je n'entendrai plus le coucou lancinant
M'interpeler, moqueur, là, près des cascatelles
Je n'ai pas vu venir l'ultime lendemain
Qui m'attend quelque part au tournant de la vie
Le temps à pas feutrés me tire par la main
J'avais vingt ans hier. Et la mort me convie ?
L'âge m'a rattrapée, comme dans un tournoi
Il me terrasse et rit de me voir prisonnière
Mes gestes ralentis l'amusent. Et ce sournois
Gommerait mon passé, ma joie et ma lumière !
Mais je reste debout. Si je vais à pas lents
L'âge et moi nous marchons sans nulle défaillance
Il sait qu'il gagnera mais il ignore quand
Et je ne suis pas prête à faire allégeance !
Et puis un jour viendra. Ce sera le dernier
Un jour comme aujourd'hui sans craintes ni reproches
Je fermerai les yeux. Et mon coeur allégé
Suivra sans hésiter l'appel vibrant des cloches...
Un petit signe de l'au-delà
Vous comprendrez, bien sûr, que je ne puis répondre en particulier à chacun de ceux qui ont déposé ici des messages empreints d'une émotion que je sais sincère, d'une admiration amplement méritée et d'une gentillesse qui m'est allée droit au coeur. Vous êtes si nombreux ! Soyez-en remerciés.
Alors, parce qu'il serait dommage de clore ce blog sur une note aussi triste, je me suis dit que vous seriez heureux de retrouver ce poème que Lorraine avait écrit pour mon père, il y a bien longtemps déjà, et que ma fille a lu lors de ses funérailles en hommage à leur amour. J'espère que vous le prendrez comme un petit signe adressé depuis l'au-delà à ses fidèles lecteurs.
Mamilouve
L'AMOUR
Si je ne t'avais pas rencontré en chemin,
Si nous étions passés sans nous voir l'un et l'autre
Aurais-je pu aimer ? Aurais-tu pris la main
D'une femme inconnue ? Cet amour qui est nôtre
Qui donc l'aurait vécu ?
Si nous n'avions pas eu tous les deux la surprise
De tes yeux qui croisaient mon regard interdit
Si nous n'avions compris sans la moindre méprise
Que l'amour irradie et vient comme un bandit
Qu'aurions-nous donc vécu ?
Si nous n'avions pas su aux heures difficiles
Nous méfier des mots durs comme autant de couteaux
Si nous n'avions pu chasser l'humeur hostile
Et les reproches vains, maladroits et brutaux
Dis-moi, l'amour
L'aurions-nous donc vécu ?
Il faisait froid sur la terre et dans nos coeurs. Or le ciel avait voulu se mettre au diapason de notre douleur, mais plutôt que la grisaille, c'est la splendeur immaculée des paysages traversés qu'il a offert à Maman pour son dernier voyage. De cette beauté glacée, elle aurait fait un poème émerveillé.
http://mamilouve.canalblog.com
Lorraine s'est envolée pour le pays des poètes
"Et puis un jour viendra. Ce sera le dernier
Un jour comme aujourd'hui sans craintes ni reproches
Je fermerai les yeux. Et mon coeur allégé
Suivra sans hésiter l'appel vibrant des cloches"
Lorraine
Des nouvelles...
Bonjour à tous,
Lorraine a fait une chute il y a quelques jours et est momentanément immobilisée. Pas de fracture, heureusement, mais une fêlure du bassin qui nécessite repos et exercices de kiné. Le moral est bon. Elle compte bien revenir prochainement.
Elle vous envoie ses pensées amicales,
Mamilouve
DERRIERE LA GRILLE
Derrière la grille, il n’y a rien
Ou rien qui en vaille la peine
Peut-être bien l’aboi d’un chien
Qui aujourd’hui a fait carême ?
Derrière la grille, un grand étang
Frémit comme une houppelande
Qui s’en irait dans le grand vent.
Un homme venu de Hollande ?
Derrière la grille un très vieux pont
Vert-de-grisé par les années
Semble écouter un orphéon
Et sa complainte enamourée
Derrière la grille c’était désert
Mais j’ai l’esprit qui vagabonde
A défaut d’avoir l’univers
Je me suis inventé un monde
LORRAINE
AUTOMNE
(Consigne: L'Atelie d'Ecriture avait imposé la première phrase. J'ai donc fait la suite!)
XXX
Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d’automne
De qui rêviez-vous donc ? Le sofa soutenait votre tête bien faite
Vous étiez comme un ange et souriiez, jeune homme
A qui, a quelle femme, à quelle aimable fête ?
Vous ne le direz pas. Le tableau pour toujours
Sa tait sous vos yeux clos. Je serai la passante
En ce Musée discret, qui m’arrêta un jour
Devant ce sommeil tendre et inventa l’absente
Celle à qui vous rêvez depuis plus de cent ans
Un repos immortel évite la souffrance
Elle n’est plus qu’une ombre et s’efface le temps
Du sommeil bienheureux et l’écho d’une danse
LORRAINE
BEAU!
Le vent soufflait en rafales le 22 novembre 2016. Debout devant la fenête, je regardais les arbres et j'écrivis quelques mots.
C'est beau l'arbre qui danse
Et se rue
Et se bat
Dans la tempête
C'est beau la lutte ardente
Jusqu'au dernier combat
Dans la tempête
C'est beau quand fatigué
Le vent soudain s'en va
Hors la tempête
Le lendemain, l'ambulance m'emportait vers dix mois de silence. Comme si le vent avait vaincu ma résistance pour toujours!
LORRAINE
ROSES DU SOIR
J'ai remonté le temps pour vous offrir une consigne de "Samedidéfi" que j'ai aimé écrire. Quelle que soit l'année, les roses n'ont-elles pas toujours un message de douceur et de beauté?
XXX
Le soir s’est glissé dans la chambre close
Faisons quelques pas dans le chemin creux
Qui mène à l’étang. La lune morose
Ouvre son grand oeil jaune et ténébreux
Donne-moi la main. Vois comme les roses
Aux têtes poudrées, aux cils vaporeux
S’inclienent en rêvant et disent des choses
Que seuls entendront les coeurs amoureux
La nuit le jardin se tait et repose
Ecoute l’écho d’un oiseau peureux
Et ce bruit mouillé d’un crapaud qui ose
Sauter dans l’étang lourd et colèreux
L’heure a le parfum des amours écloses
Le vieux banc rêveur semble malheureux
Viens, la nuit frissonne et sur mon cou pose
Le baiser léger des amants heureux.
LORRAINE