VOUS ETIEZ PROFESSEUR DE FRANCAIS...
Mon « Bonheur du jour » aujourd’hui, c’est vous, Mademoiselle C. Je n’ai jamais connu votre prénom. Et pourtant, trois fois par semaine, vous étiez là, sur l’estrade des secondaires où pendant quatre ans vous nous avez appris le « français ». Je me suis éveillée avec votre visage, ce matin, et un flot de souvenirs vous accompagne. Alors, je vous les dédie...
Je vous revois, la quarantaine discrète et élégante, vos livres sous le bras, entrant dans la classe avec le sourire. Le « français », c’étaient la grammaire et son cortège, le participe présent du verbe « oindre » (oignant) ou le présent du subjonctif : (que j’oigne) et bien sûr l’impératif (oignons !...).Mais là ne s’arrêtait ni votre science ni votre sens de l’humour. J’appris à dire : « je décollette », avec deux « l » et deux « t ». Et ce qui « barbait » les autres me passionnait... L’ «Anthologie des Poètes français » devint, grâce à vous, mon livre de chevet. Le soir, dans mon lit, je lisais des textes d’André Theuriet qui parlait si bien de la nature, j’apprenais par cœur des poèmes d’Emile Verhaeren (et j’étais fière d’être Belge !), je découvrais Claudel (trop peu), François Coppée (il était à la mode), Sully Prud’homme dont « Le Cygne » m’emportait vers "la grotte où le poète écoute ce qu'il sent...", j’écoutais tonner en moi Victor Hugo et sa "Conscience" . "L’œil était dans la tombe et regardait Caïn » me posait des questions, me ramenait en arrière, me coupait le souffle, m’enchantait et me terrifiait.
Et enfin, ii y avait les rédactions. Mon cœur battait quand vous lisiez le premier nom de votre liste de copies...C’était souvent moi, ou j’étais la seconde, l'une de celles qui, le cœur battant venaient lire leur texte devant la classe. C’était pour vous que j’écrivais le jour même où vous nous donniez le sujet. Pour moi aussi, bien sûr, mais votre intérêt me soutenait, me portait, me donnait des ailes et des mots. Je vous dois d’avoir affermi cette volonté d’écrire, malgré les difficultés financières, les études interrompues trop tôt (je devais gagner ma vie !), le courage de poursuivre envers et contre tout, en autodidacte, jusqu’à atteindre mon but. A 15 ans je voulais être romancière. A 30 ans j’étais journaliste. Et j’ai adoré mon métier. Vous auriez été contente de le savoir. Vous êtes partie trop tôt..
Mais aujourd’hui, je vous le dis et je sais que, quelque part, comme autrefois, vous m’écoutez...
PASSANTE