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LE CAHIER DU SOIR de LORRAINE
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6 janvier 2009

QUAND J'INTERROGEAIS L'ETERNITE...

  pers93 A 3 ans, un peu timide, je suis entrée à l’école gardienne et me suis assise sur un petit banc à côté d’un garçon. Il avait l’air perdu, il ne voulait pas pleurer et s’appelait Robert.

    - C’est bien, a dit Mademoiselle Raymonde.

    Serge poussait Virginie qui cherchait sa maman. Melle Raymonde a conduit Virginie dans le bac de sable sur lequel je louchais avec envie. Mais Virginie seule a pu distraire son chagrin en faisant des patés, tandis que Francine en hurlant refusait de franchir la porte. Sa mère tentait de la raisonner mais sans force, alors Melle Raymonde s’est agenouillée devant Francine tout en faisant signe de la main à  la maman pour qu’elle s’en aille. Melle Raymonde avait deux grands yeux bruns souriants comme des miroirs et moi, je la regardais, le dos tourné, déroulant un tableau sacré  attaché au mur. Elle claqua dans ses mains :

    - On va tous faire la prière.

    Beaucoup connaissaient le signe de la croix, moi qui n’avais pas eu d’exemple religieux à la maison je m’appliquais et me signai de la main gauche. Melle Raymonde vint à côté de moi et me montra sa main droite. Côte à côte, je fis donc comme elle. Je pus désormais faire avec les autres ma prière du matin.

    La classe était spacieuse, nous faisions quelquefois une ronde devant l’estrade en chantant :

    Madame la Neige, Madame la <Neige
    Révei-ei-llez-vous
    Les vitres regardent avec des yeux ronds
    Elles attendent jolis flocons...

    Je chantais haut et juste. Par contre, j’étais déjà très maladroite de mes doigts. Je triturais la plasticine avec volupté mais il n’en sortait qu’unebonnejourneefille boule informe. Robert, lui, travaillait avec sérieux et savait modeler un chien.

    Et un jour, Melle Raymonde nous expliqua Dieu. Elle déroula sur le mur une autre toile peinte. Au-dessus, Dieu sur un trône, une multitude d’anges et de saints agenouillés ; en dessous, des êtres se tordaient d’une douleur visible. Melle Raymonde nous expliqua l’Eternité : une grande horloge dont les aiguilles montraient, opposés, ces seuls mots : TOUJOURS – JAMAIS. Toujours au ciel ou en enfer, jamais revivre ce que nous sommes, des enfants. Elle ajouta :

    - Tous les bienheureux contempleront Dieu face à face, pendant toute l’Eternité.

    J’examinais le tableau. Toute l’Eternité ? Toujours ? Sans fin ? Sans rien faire d’autre ?...Ce qu’on allait s’ennuyer !...

    Il faut dire que les planches de l’époque nous montraient un Dieu pétrifié sous une couronne d’or et que les saints agenouillés avaient tous le même visage extasié. Il devait y avoir un décalage entre ce « cours » du jardin d’enfants et notre aptitude à comprendre. Après, j’ai beaucoup pensé à l’horloge « Toujours- Jamais ».

    A ma façon, j’interrogeais l’Eternité.

PASSANTE

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Commentaires
P
Je suis née au coin de la rue du Remblai et de la rue Blaes. Toi qui connais si bien Bruxelles, tu peux tout de suite situer. C'était drôle, je me suis beaucoup amusée..Même à l'école de niveau "pimbèche", car je n'étais pas sensible aux regards coulés des autres, habillées comme des princesses. Moi, je portais toujours les mêmes vêtements, et souvent coupés dans ceux de ma soeur aînée! J'étais coiffée "à la garçonne", ce qui simplifiait les choses. Une fois de temps en temps le coiffeur, maman égalisait la chienne. J'ai beaucoup à dire sur ce temps où j'ai appris, je pense, par la force des choses, à "accepter" la vie et ses retournements. Je raconterai sûrement...Et merci, chère Pivoine, d'avoi "adoré"". Je ne mérite pas cet éloge! C'est Dieu, voyons, que l'on adore...
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P
AH! J'adore ton article, Lorraine. Je n'imaginais pas que tu pouvais avoir eu des parents agnostiques vivant dans les Marolles ! Curieusement, moi qui suis née à côté de l'avenue Louise et qui ai filé directement au Sacré-Coeur après un essai avorté à Jeanne d'Arc (rue Américaine), je me sentais pourtant pauvre et misérable, avec mes cheveux filasse, mes chaussettes tricotées main qui tirebouchonnaient sur de vieilles "molière" et ma mère qui ne faisait pas d'élégances en regard des mères du Sacré-Coeur (je veux dire des parents) plus sophistiquées les unes que les autres... <br /> <br /> Nous avons eu les mêmes panneaux et je me suis aussi posé des questions. Je me souviens avoir demandé "qu'est-ce qu'il y a après la mort?" et ma mère (qui était catholique) me l'a expliqué. "Et qu'est-ce qu'il y a avant la naissance?" (Cela me paraissait logique comme question), là par contre, elle m'a répondu, "il n'y a rien" et c'est une réponse qui ne m'a guère satisfaite...
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P
Je crois, chère Tilleul, qu'il y avait une grande différence de public à l'époque entre l'éole communale de ta région et celle où je fus d'abord inscrite. J'habitais à la limite du quartier des Marolles, très pittoresque, et qui reste pour moi animé de personnages divers (marchands, brocanteurs, chanteurs de rues, vendeurs à la sauvette, etc.). Ils étaient souvent pleins de coeur (j'en parlerai aussi un jour), mais les enfants poussaient en partie dans la rue, et le langage propre au quartier refaisait surface à l'école!...Mais dans ces écoles-là, on ne faisait pas la prière et on ne montrait pas de tableaux religieux évocateurs!..
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P
A l'époque, c'était une "école payante", elle correspond peut-être (je n'en sais rien aux écles privées d'aujourd'hui. On m'avait d'abord inscrite à "l'école communale"...mais après quinze jours j'avias la varicelle et...je jurais!...Mes parents, pourtant agnostiques, ont ^récipitamment compris qu'un autre "miliu éducatif" me conviendrait davantage. J'en parlerai un jour dans ma rubrique "Souvenirs". Il ne m'en manque pas, des souvenirs...
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T
L'école maternelle a ouvert ses portes quand j'avais cinq ans... C'était une école communale mais nous récitions aussi la prière le matin, le midi et à 16h (c'était le signal de départ!)Les images du ciel étaient remplies de petits anges et d'un Dieu le Père assis sur un nuage... L'enfer était terrifiant avec ses flammes et le démon qui harponnait les damnés avec sa fourche...
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