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LE CAHIER DU SOIR de LORRAINE
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20 février 2009

UNE FEMME D'INTERIEUR?...

    Tandis qu’à l’école j’apprenais à coudre, à la maison mon frère Jean prenait en main l’organisation de ma vie. Il tenait absolument à faire de moi une femme d’intérieur.

    « Tu aideras mère dans le ménage », me dit-il, « elle sera moins fatiguée et toi tu feras ton apprentissage ».

    Je n’y mis pas beaucoup d’enthousiasme, je rêvais beaucoup, je restais le front aux carreaux à regarder défiler les passants sur le boulevard, je terminais mes devoirs en vitesse pour rejoindre mes camarades sur le terre-plein où nous jouions à perte haleine des parties de saute-mouton ou de cache-cache derrière les gros arbres qui bordaient la chaussée. Mais je n’échappais pas à mon sort ! Après le dîner, la table débarrassée, maman installait la bassine dans laquelle elle versait l’eau chaude de la bouilloire, y jetait quelques cristaux de sel de soude pour l’adoucir et lavait la vaisselle que j’essuyais avec ennui. Je ne faisais pas la tête, non, mais j’avais envie de lire, moi ! Il me restait une demi-heure avant la classe, je me passionnais pour les romans de « Bonnes Soirées », fascicules de l’époque qui publiait chaque emaine un roman bien-pensant mais néanmoins – mais surtout ! – romantique ! « Dactylo », « Phyllis », « L’amour Isabelle ? », « Le chevalier inconnu », « Le Roi des Andes », « La geôle enchantée », tant d’autres que j’allais louer à moitié prix chez le vieux bouquiniste à bésicles qui tenait boutique près de chez moi, l’étal grand ouvert sur la rue.

    Je feuilletais les vieux livres d’une main pieuse,Fragonard_La_lectrice et les reposait car le libraire, bonhomme mais attentif, estimait qu’Anatole France, Colette, Victor Marguerite ne me convenaient pas plus d’ailleurs que les romans de cape et d’épée aux couvertures si attrayantes où une « Fausta » dépoitraillée haranguait un peuple de spadassins !...Il me concédait Max du Veuzit, Magali, Delly, quelques autres et je me délectais de ces aventures qui débouchaient toutes sur l’arrivée du Prince Charmant ! Maman lui savait gré de sa vigilance bourrue et amicale. Et si j’aimais déjà feuilleter les bouquins, comparer les titres, passer en flânant d’un rayon à l’autre, caresser le bouledogue repu qui ne faisait de mal à personne et répondre au sourire du vieux libraire en blouse grise, j’enrageais car la lecture, je devais la réserver pour le soir, devoirs terminés, leçons apprises, souper expédié, quand maman à son tour lisait le feuilleton du « National Bruxellois », édition abrégée et locale de « La <Libre Belgique » que nous recevions par la poste.

PASSANTE

Tableau de Fragonard: La lectrice.

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Commentaires
P
Beaucoup de choses dans la vie dépendent du caractère, c'est vrai, Lecouret. Mais est-on responsable de son caractère? On naît plus ou moins déterminé, plus ou moins faible ou fort, déjà; l'éducation dès le jeune âge dirige les faibles à se surmonter, les moins faibles à accepter la vie telle qu'elle se présente et à s'en arranger. Je crois que maman a très bien su m'éviter la paresse, le laisser-aller, le laisser-faire. Ce ne devait pas être facile pour elle, veuve, c'est en elle qu'elle a puisé les forces pour maintenir et développer en moi un sens moral très présent, le courage d'affronter les autres (ce fut le plus difficile), et de les accepter. Et mon frère aîné prit la relève; il m'enseigna à tenir les comptes des dépenses quotidiennes, dans des livres qui m'ennuyaient mais me prouvaient qu"on ne peu dépenser que ce qu'on a...Très utile pour une fille un peu...coquette!Et une bonne fée m'a donné un don: je suis extrèmement tenace! Ce que je veux accomplir, je le fais, même s'il faut du temps. Cela, je ne sais pas d'où je le tiens. Mais je le tiens bien!...
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L
je rajoute : tout a tant changé !<br /> mama mia, si on n'avait pas vécu ces temps-là, encore que pour un garçon c'est différent, et à Nice aussi :-), on ne te croirait pas.<br /> cependant le changement est tel, que ce n'est pas assurément mieux.
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L
tu t'es forgée un bel et fort caractère, la vie est dure aux nécessiteux.<br /> comme tu le dis en réponse de commentaire, c'était ainsi, pas l'emprise du frère aîné, mais les circonstances d'une vie de famille bousculée.<br /> ta personnalité a su te mener là où tu voulais aller, non sans sacrifice.<br /> ce qui est bien plus difficile et beau, que pour l'enfant de "famille" qui fait son Ecole Normale Supérieure.
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P
En naissant, j'ai capté sans le vouloir un grain de déraison semé par une fée qui passait par là...La fée "Ménage" était occupée ailleurs...
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P
Vers 16 ans, je me suis aussi inscrite à la Biblioyhèque de la commune; j'y allais le dimanche matin, après la messe. C'est là que j'ai découvert René Boyslève, dont on ne parle plus guère, Edmond Jaloux (oublié lui aussi), la Comtesse de Noailles et son "Visage émerveillé"et tant d'autres. C'est vers ce moment-là que j'ai délaissé pour toujours les romans à l'eau de rose, comme toi!
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