L'AVANCEE EN AGE (9)
4 décembre
Certains jours vieillir n’est pas facile ! Nous avons l’œil aigu pour constater que l’ovale du visage est plus flou et que la ride, là, s’est creusée, s’ajoutant à celles qui forment une résille autour des yeux à chaque sourire. Il faut réfréner la petite colère, la petite tristesse qui clament très haut : « C’est bien fini, la beauté naturelle, facile, qui rendait la vie plus gaie ». Bientôt, j’aurai le visage d’une charmante vieille dame. Mais charmante ou pas, être vieille quand on a encore le goût de vivre, c’est comme une lumière qui s’éteint.
Si l’on n’avait pas le souvenir, on oublierait comme c’était bon d’avoir 20 ans, 30 ans, 40 et même plus. La vie brûlait par tous les bouts, nous étions joyeux, imprévoyants, follement actifs et du même appétit j’aimais les amis, les robes de couleur, les promenades, l’amour.
Le feu couve, s’éteint. Le plus difficile est de dire : oui, tout est bien ainsi. Les jours changent de texture, un autre rythme scande les heures et c’est vrai qu’on y puise une forme de paix, qui convient à notre âge. Vieillir, c’est prendre conscience de toutes les limites, de tous les impossibles. C’est une nouvelle façon de vivre. Plus jeune, qui fait ses comptes ? On gaspille son cœur, ses émotions, la couleur de l’été, le détour d’un chemin, sans penser un instant qu’ils ne reviendront plus. Vieillir, c’est le savoir avec acuité et sans rémission. Et s’en accommoder.
Nous n’en parlons à personne. Une légère mélancolie baigne certaines heures mais quel écho aurait un soupir de regret, une nostalgie avouée ? Les vieux savent bien que les jeunes piaffent, courent vers le temps qui les emporte aussi, trouvent essentiels un travail, un dîner, un copain et vous quittent, pressés, sans deviner que vous aviez au cœur un peu de vague à épancher.
Nous ne nous épanchons pas. Ni entre nous pour ne pas délicatement se blesser, ni auprès des autres qui n’ont pas forcément le même regard sur le temps qui va. Ce n’est pas de la solitude. Simplement la leçon que le temps nous a apprise : ne pas importuner pour ne pas peser.
Nous avons tellement besoin qu’on nous aime ! Et il ne nous reste plus, pour plaire, que la chaleur de l’accueil, le sourire qui comprend, l’acceptation des autres. Nous ne sommes pas résignés, mais indulgents. Et nous en concevons de la douceur, même si accepter le temps révolu fait subtilement souffrir...
PASSANTE