Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LE CAHIER DU SOIR de LORRAINE
LE CAHIER DU SOIR de LORRAINE
Publicité
LE CAHIER DU SOIR de LORRAINE
Visiteurs
Depuis la création 178 214
Newsletter
48 abonnés
Derniers commentaires
Archives
15 avril 2009

LA LETTRE

       (Voici la suite de : "Je serai romancière")


X


    J’étais probablement en congé scolaire ce jour-là puisque je me souviens de maman ouvrant la porte de la cuisine où je débarrassais la table. Elle avait relevé le courrier et soudain s’exclama :

    - Une lettre pour toi ?  Qui t’écris ?... « Mademoiselle Lorraine X... ». Je vous demande un peu : « Mademoiselle » !... On ne sait pas que tu es une gamine ?...

    Non, on ne savait pas ! J’étais figée, partagée entre la joie et l’inquiétude, je pensai brusquement à la réaction de ma mère qui allait comprendre que je m’étais cachée d’elle, que je m’étais tue, que j’avais osé...Mais la joie de recevoir une réponse, même si elle était négative, me rassurait toutefois : jeume_femmeje n’avais pas importuné, on prenait la peine de m’écrire et...non, l’enveloppe ne contenait pas mon texte en retour, c’était une simple feuille de papier à lettre que maman sortait prestement de l’enveloppe, tandis que j’attendais le verdict :

    « Mademoiselle, j’ai bien reçu votre nouvelle, je l’ai lue avec intérêt,. On sent que vous êtes très jeune, mais le récit est agréable, se laisse lire et j’ai le plaisir de vous annoncer que je le publierai dans le n° ... de la revue. Si vous avez un n° de C.C.P. faites-le-moi parvenir afin que je vous verse votre cachet «

    Maman n’était jamais à court d’argument.  Française, issue d’une famille ou cinq filles n’avaient pas eu la vie facile à cause du départ du père pour une destination inconnue  et qui ne revint jamais, elle avait tôt acquis  le sens de la répartie, et sa vivacité mêlée d’espièglerie lui restait par-delà les années. Mais cette fois-ci, elle fut sans voix. Tout comme moi, d’ailleurs !  Elle était restée debout. Elle s’assit, puis me regarda et sa voix était toute changée :

    - Ma petite fille, dit-elle, tu as donc écrit en cachette ?

    Je bafouillai un « oui » qui m’étranglait un peu. Mais maman semblait anéantie :

    - Tu y tenais tant que ça à cette idée d’écrire ? Et moi je n’ai pas compris...

    Puis me regardant bien en face, de ses yeux bleus délavés par les larmes versées pendant tant et tant d’années après la mort de mon père :

    - Peut-être que tu y arriveras. Peut-être que ce sera très difficile. Tu le sais bien, n’est-ce pas, que je ne peux pas te payer d’études ? Que je le voudrais du fond du cœur, mais c’est impossible !

    C’est moi qui l’ai rassurée. J’ai dit que cela ne faisait rien, que je continuerais la couture et les cours du soir de sténo-dactylographie, et que j’écrirais pendant mon temps libre. Je la revois, les mains abandonnées sur ses genoux, désemparée.  Elle ne me gronda pas et le soir, quand mon frère aîné rentra  (Il était aussi mon tuteur, je le rappelle)  elle lui expliqua un étonnement provoqué par mon attitude de dissimulation et plus encore par la réponse du rédacteur en chef.

    J’allai dormir le cœur en paix.

PASSANTE

Publicité
Publicité
Commentaires
L
Oui, je crois que maman était sage. Elle voulait me garantir contre les difficultés de la vie en me donnant un métier (la couture) mais en même temps elle a admis le goût et l'opiniâtreté de sa fille pour l'écriture! <br /> <br /> Comme c'est triste d'être bloquée par ses parents dans une attirance profonde pour la lecture (ce qui était ton cas, tu en parles dans un commentaire précédent). Et sans doute pensaient-ils bien faire! Des oeillères placées sans doute par une éducation rigide qu'eux-mêmes avaient peut-être reçue!
Répondre
L
Oui, Tilleul, j'ai continué à écrire...et je n'ai plus jamais arrêté! Je vais raconter la suite car il y a des rebondissements que j'ose qualifier de "miraculeux"! Bises à toi.
Répondre
A
J'ai beaucoup aimé lire tes débuts dans l'écriture, Lorraine. <br /> <br /> Ta mère était sage... ;-)<br /> Je ne sais pas comment auraient réagi mes parents, mais je m'en doute un peu.<br /> <br /> Merci !
Répondre
T
J'ai envie de dire comme Coumarine "waouw!" Alors, tu as encore écrit d'autres nouvelles après? As-tu eu la permission d'écrire avec la lumière électrique? Tu racontes tellement bien Lorraine, merci!
Répondre
L
Tu es vraiment très gentille! Merci pour ce baiser amical, que je te rends, bien sûr, heureuse que ma plume plaise à une professionnelle de l'écriture comme toi!
Répondre
Publicité