AU TEMPS DES PROCESSIONS
Ce souvenir, comme une photo un peu effacée, me revient en mémoire : petit bout de fille de 4 ans, habillée en page, je marche dans la rue. Un ange aux ailes déployées me donne la main, nous précédons une Vierge dont la traîne et soutenue par d’autres petits pages surveillés par d’autres anges. C’est ma première procession.
Un peu plus grande, je tiens un panier plein de pétales de roses. Toute la classe va au pas, en robe blanche, et nous lançons les pétales qui font un tapis sur le sol et sentent bon.
A 12 ans, j’appartiens à l’escadron des « Croisés » exhibant comme de juste, une croix sur ma tunique et dotée d’une épée en carton !.. Et l’année d’après (la dernière) je processionne parmi un essaim d’anges bouclés. La couronne dorée s’encastre bien dans nos cheveux coiffés...à l’ange, comme c’était la mode cette saison-là !
J’ai oublié les visages mais je me souviens des mains prestes des institutrices qu rajustaient un nœud par-ci, une dentelle par-là. On se bousculait un peu dans la fièvre des préparatifs. Nous avions répété le défilé dans la salle de gymnastique la semaine précédente, les plus petites devant, les plus grandes derrière.
On réclamait : « Je voudrais être à côté d’Andrée, Mademoiselle, s’il vous plaît ! ». « Elle est trop petite. Tant pis pour les amies ! Andrée, viens ici, au premier rang . C’est une procession, pas une récréation ! Lorraine, reste tranquille, ton aile est de travers. Je t’arrange ça ».
Puis Adrienne faisait son entrée en Vierge. C’était une grande perche mais dans sa robe d’azur, les mains jointes et les yeux au ciel, elle nous inspirait un curieux respect qui tenait du sacré !
C’étaient des processions de ville. Nous traversions des quartiers bourgeois, des quartiers populaires. A l’approche du St Sacrement, les hommes ôtaient leur chapeau ou leur casquette. Maman se tenait devant la maison, nous échangions un sourire furtif puis je reprenais le pas que j’avais perdu quelques secondes. A certaines fenêtres, des bougies étaient allumées.
Et nous allions, disciplinées et vaguement conscientes d’une mission dont l’importance nous échappait.
Une sorte de paix entre les hommes, peut-être...
LORRAINE