Qu'as-tu fait des mots ?
Tu les connaissais, tu les lançais en l'air comme une musique drôle, comme un vol d'hirondelles, comme une espérance. Ils étaient ta gaîté et ta force. Et mon amour.
Qu'as-tu fait des mots
Tu me disais : « Toi, la seule femme que j'ai jamais pu aimer » et j'enfermais ces mots dans l'éblouissement de mon cœur. Tu aimais aussi le silence. Le silence tissé de mots accourus comme des petits confidents muets, et qui te permettaient de penser, longtemps, la main arrêtée sur la feuille où tu allais écrire. Enfin, tu écrivais
Et les mots se pressaient, se bousculaient, s'essoufflaient. Car tu interrogeais le monde, tu te posais les questions douloureuses auxquelles il n'y a point de réponse. Tu citais les philosophes, tu t'abîmais dans leurs livres et tu me revenais différent, lointain, tourmenté.
Ah ! les mots ! Tu les as tous utilisés, les mots d'amour et les mots dont la pointe acérée blesse, car tu avais l'art de la riposte et celui de l'introspection. Et cet art aigu des questions perfides qui, au début font sourire mais finissent par écorcher. Je n'aimais pas les mots jaloux ni ton talent raffiné d'inquisiteur. Le mot à l'allure désinvolte, le mot tendancieux, le mot autoritaire, celui qui condamne et celui qui ne veut rien entendre, je les connais tous. Et aussi les mots de pardon.
Qu'as-tu fait des mots ?
Une longue histoire de souvenirs entrelacés, où se glissent les rires de bonheur et les amertumes.
Qu'as-tu fait des mots ?
L'histoire d'une vie. La mienne.
LORRAINE