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LE CAHIER DU SOIR de LORRAINE
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LE CAHIER DU SOIR de LORRAINE
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6 novembre 2009

BONJOUR, RITA! (suite)

Mars nous réserve une surprise, il neige si fort que, frileuse, je n'ai pas osé ouvrir la fenêtre. Tous ces arbustes qui ressemblent à des pêchers en fleurs! Rita, derrière la vitre, n'en revient pas. Elle lève haut son nez rose, suit avec intérêt la chute des flocons, applique une patte hésitante sur le carreau et, penaude, me regarde, interrogative.

Je m'étais mise à l'écriture depuis quelques mois. J'écrivais des nouvelles, histoires d'amour romancées que j'envoyais, le coeur battant, à des magazines féminins. La chance m'a souri. Coup sur coup, une revue en accepta deux; une autre me demanda d'urgence un conte pour Pâques. Je me sentais pleine d'invention et l'impression naissait qu'au bout de ma plume, il y avait peut-être pour moi une promesse d'avenir. Je continuais néanmoins des intérims de secrétariat dans la journée et retrouvais le soir, avec plaisir, le petit secrétaire  sans style qui, depuis peu, enrichissait notre mobilier.

Rita aime les paperasses, surtout depuis sa fugue. Je la trouve plus casanière, plus paresseuse, s'installant sur les pages avec conviction et désinvolture. Là, couchée sur le côté, elle se lisse longuement les moustaches, passe sa langue rose sur son poil noir et s'arrête net, choquée, si d'aventure je veux la déloger.

Un matin, elle partit en promenade. Je la revois, un peu alourdie, ne me méprenant pas sur cet embonpoint naissant. Mars alternait les flocons de neige et les rayons de soleil. Partie dans la lumière, c'est précipitamment et avec inquiétude qu'elle accourt vers la maison au moment de la première giboulée.

Elle miaule fort, car je l'entends depuis la pièce où je travaille. J'arrive. La peureuse est sur la véranda inclinée et tente en vain d'arriver au sommet. Ses pattes de velours glissent, la neige recouvre la surface vitrée, elle ne peut rejoindre ni l'appui de fenêtre de la cuisine ni, d'autant moins, celui de la chambre à coucher un demi-étage plus haut. Que faire? Lui donner un relais, bien sûr! Par la fenêtre grande ouverte je hisse d'abord et descends ensuite jusqu'à la véranda une chaise solide. Rita n'a plus qu'à sauter dessus sans difficulté et je la ramène comme en ascenseur, jusqu'à l'appartement où elle s'ébroue.

Le premier avril est un jour de surprise, tout le monde le sait. Maurice, descendu le premier, vient me chercher.

"Je crois que les petits vont naître, dit-il. Rita est drôle. Tu devrais venir..."

Il est mal à l'aise. Ses yeux perplexes, prêts à se détourner par pudeur ou par gène, regardent la petite chatte manifestement en proie à la gésine. Couchée dans son panier, pattes raidies, elle miaule: un miaulement qui ressemble à un appel et dès que je m'accroupis, elle relève la tête, la pousse fièvreusement sous ma main, je la caresse; elle ronronne (un ronronnement d'affection et de souffrance mélangées). Elle a le nez chaud, les pattes brûlantes, elle me réclame. Je reste là, tandis que Maurice part pour le bureau et je l'assiste de mots qu'elle comprend, j'en suis sûre. Elle boit le lait que je lui tends dans une soucoupe.

Ayant mis bas un de ses petits, elle viendra me rappeler à l'ordre, parce que je me suis éloignée un instant; j'avais besoin d'une tasse de café pour remplir jusqu'au bout mon rôle d'amie fidèle et présente.

Quand Maurice rentre à midi, ils sont là, tous les trois, nouveaux-nés aveugles et sourds, à la bonne petite bouille ronde, les oreilles encore pliées comme de délicats pétales, retournés par la langue vive de leur maman. Les yeux clos, ils têtent déjà à qui mieux mieux en pétrissant le ventre maternel, tandis que, majestueuse, Rita avec orgueil nous présente sa nichée, qu'elle maintient contre elle d'une patte ferme.

nouveaux_n_s


PASSANTE (A suivre)

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Commentaires
L
Je n'ai pas grand mérite à raconter, tu sais! Cela me vient spontanément quand s'éveillent mes souvenirs...
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P
Mignon et touchant ! Que tu contes bien, Lorraine ! Merci !
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L
Merci, Fabeli. Au début, j'étais un peu gènée de mêler ma vie à celle de mes chats. Mais ayant mûrement réfléchi, j'ai compris que nos vies étaient inextricablement mêlées et que mieux connaître la famille où ils évoluent permettait de mieux comprendre "leur" évolution! C'est pourquoi nous sommes en toile de fond et eux, sur le devant de la scène.
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L
De qui?...La suite te l'apprendra, cher lecteur! Non, il ne les a pas reconnus. La paternité, il s'en tape l'oeil...Mais nos émotions à nous et à elle, Rita, sont bien réelles, vraiment vécues et en lisant la suite, tu verras comment nous avons tous évolués...
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F
Toujours autant de plaisir à lire ces histoires de chats mêlées à l'histoire d'une femme...toi, Lorraine.
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