SOUVENIRS D'HIVER
Si j’erre sur les chemins du passé, des bribes de phrases semblent venir de très loin : « Tu veux des marrons chauds ? ». Il fait très froid ce soir-là. Nous marchons serrés l’un contre l’autre, les gens vont vite, le vent souffle ; Le marchand de marrons porte des mitaines et des sabots sur de grosses chaussettes de laine grise sous lesquelles il a glissé le bas de son pantalon de velours.
Et puis rien, je ne sais plus, je perds le fil. Un fil qui m’amène un autre jour d’hiver, tout en haut du Mont des Arts immaculé sous la neige ,bien avant qu’on transforme tout le quartier dont le charme désuet reste accroché en mon cœur. J‘ai dit : « Viens, laissons nos empreintes dans la neige, seulement nous deux ». Le parc était fermé, mais c’est à 18 ans qu’on escalade les grilles ! Les moineaux avaient laissé la trace de leurs pattes sautillantes et, en nous donnant la main, nous sommes arrivés en bas. Les réverbères irisaient leur lumière, le temps semblait arrêté, nous étions seuls. Nous étions heureux !
Je me dis parfois que perdre la mémoire ce serait aussi perdre les souvenirs. Ne plus vivre que l’immédiat me semblerait insupportable. Les souvenirs sont les guirlandes qui pavoisent nos heures de rêve. Sans eux, il ne reste rien.
PASSANTE