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LE CAHIER DU SOIR de LORRAINE
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11 décembre 2009

BROU L'ESPIEGLE (fin)

 Le chat est aussi l’ami de celui qui rédige : écrivain, littérateur, poète, journaliste, tous ceux qui se hello7claquemurent dans un bureau pour y trouver l’inspiration y trouvent également leur chat. Un chat installé sur le chapitre en cours et très récalcitrant à l’abandonner ; ou encore écrasant de son poids, tel un presse-livre, les pages déjà écrites. Il aime le calme un peu feutré des lieux où se composent les histoires, vraies ou fausses, l’odeur de l’encre, l’aimable désordre des uns ou la rigueur des autres qui ne supportent qu’un meuble nu et leur pensée.

 

 Broû allait veiller ainsi avec vigilance sur mon destin de conteuse. Il était là quand je griffonnais des notes ; et encore là quand je repassais du linge dans la cuisine, un carnet et crayon à portée de main pour saisir au vol une phrase bienvenue ou un paysage. Je lui lisais quelquefois un passage, il fermait les yeux avec amour mais ne pipait mot. Je le soupçonne de manquer de sens critique. Par contre, Maurice avait l‘œil et l’oreille. Ce puriste ne supportait pas les assonances qui le heurtaient. A cette époque, il lisait par goût Montaigne, Voltaire, Pascal, Anatole France et en était imprégné. Mes petites histoires d’amour pour revues féminines n’avaient rien de commun avec eux et s’il le comprenait – qu’aurait fait un éditeur de personnages causant comme au Grand Siècle ! – il n’en était pas moins sévère pour ce qu’il appelait ma « facilité » à écrire. Lui avait le souci du mot propre ;moi la vivacité du récit. Nous passions des soirées passionnantes à recréer un dialogue et quand j’inventais une histoire, je la lui racontais d’abord.

 

 Broû écoutait en silence, agitant parfois une oreille comme s’il avait mal compris. Par contre, il appréciait particulièrement les « Feuillets » que j’écrivais depuis longtemps (dès le lendemain de la guerre, en fait) qui retraçaient chaque semaine pour les pages féminines de deux quotidiens, une atmosphère, un croquis de fête, une rue sous la pluie , le marché aux oiseaux ou l’automne sur la forêt ; le temps qui va, en somme, nous imprègne fugitivement et disparaît pour toujours. Mon mari aussi approuvait ces billets  poétiques et m’y encourageait.

 

 Nous ne savions pas ce qu’était l’ennui. Mais nous allions bientôt connaître une nouvelle tristesse, car un soir d’hiver Broû s’en alla comme il était venu, par la porte ouverte sur la rue comme Maurice accompagnait son cousin venu en visite.

 

Où alla-t-il ? Chez qui trouva-t-il refuge ? Pourquoi fut-il sourd à nos appels, à nos recherches ? Jusqu’où l’emmena sa curiosité ou ses instincts émoussés de chat châtré ? Nous ne le saurons jamais. Monsieur Henri fut impuissant à le retrouver, personne dans le voisinage n’avait vu le disparu. Reparti dans sa nuit, il nous laissa désemparés, le cœur gonflé d’un inaltérable regret. Je rangeai les bouchons désormais inutiles. Et trois ans s’écoulèrent.

 

rose_rose

 

PASSANTE

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Commentaires
T
Tout a une fin... même la vie d'un chat auquel on s'est attaché... C'est quand même frustrant de ne pas savoir ce qu'est devenu Brou...
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L
Double prix pour toi en mon blog...à venir retirer sans cérémonie aucune mais en toute sincérité<br /> <br /> Bisous
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L
La place du chat dans la maison, oui, elle y est creusée pour toujours. Elle est mêlée à nos activités professionnelles, comme à notre vie personnelle, il me semble qu'on ne peut les séparer. C'est pourquoi, parlant du chat, j'en viens à parler de nous. Nous sommes si étroitement liés!
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L
Oui, nous connaissons tous ce chemin capricieux du chat qui, bien qu'aimant une certaine vie domestique, reste sensible aux appels du lointain. Dès lors, il s'en va. Et nus sommes là, désemparés et tristes, impuissants à le retrouver et tentant de le comprendre!...
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L
La tristesse laisse son empreinte, même si nous savons que les chats ont leur code à eux, leur forme de liberté. Ils passent, ils s'en vont: pourquoi? Mais il nous a donné sa tendresse, son savoir, une forme d'émerveillement que j'éprouve encore quand je me souviens de lui.<br /> Non, Quichottine, je n'écris plus pour les revues. J'ai fait une carrière de journaliste, bien remplie, et j'ai pris ma retraite bien au-delà de l'âge légal. J'écris ici, désormais. Merci d'être une lectrice si amicale!
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