MOUTON NOIR, MOUTON BLANC...
Ils sont vingt, ils sont cent, ils sont mille. Ils regardent tous dans la même
direction : celle où l’herbe est plus verte, la musique plus bruyante, la
table plus riche, la moto plus puissante, la voiture plus cylindrée, et les
poches plus pleines.
Ils y vont en bêlant d’aise. Ils courent, les plus zélés devant,
suivis par la troupe, pardon, le troupeau.
Plus vite, encore plus vite . Plus loin. L’inaccessible étoille ?
Non, l’inaccessible villa, l’inaccessible croisière, le voyage au bout du
monde, les millions du lotto, la jeunesse éternelle, la peau et les seins relevés.
Regardez-les. Même le mouton noir est pris dans la course, lui qui voudrait s’arrêter un peu, réfléchir. Il se pose des questions. Il n’a pas le temps, la troupe l’entraîne, on n’aime pas les récalcitrants. Il se dit que tout va trop vite, que le bonheur est dans le pré, pas dans le loft !
Mais faites-vous entendre par la foule avide ! Elle vous piétine, elle court, de plus en plus vite. Pour aller où ?
Les moutons suivent les moutons, c’est bien connu. C’est en chœur qu’ils
polluent, détruisent la planète, parce qu’ils sont sourds, les moutons, ils n’entendent
rien ni personne. Il leur suffit d’un berger et ils s’engouffrent à sa suite.
Peu importe que le berger s’appelle Bêtise, Ignorance, Vanité, Avidité, il leur
a jeté de la poudre aux yeux et, comme un seul homme, ils suivent.
Et, malheureusement, les moutons noirs sont rares. Tous seuls, ils ne peuvent pas arrêter le monde.
PASSANTE
Illustration: florent.blog.com