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LE CAHIER DU SOIR de LORRAINE
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LE CAHIER DU SOIR de LORRAINE
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13 septembre 2010

ELLIOT, CE COPAIN

     L'été qui suivit son mariage, Marianne entraîna son mari un dimanche matin au grand marché où l'on vend de tout. Elle a une idée en tête mais n'a rien dit à personne. Et la voilà qui s'arrête devant des paniers à claire-voie, d'où surgissent une patte minuscule, un nez interrogateur, des petits cris de joie ou de colère.

     - Si on achetait un petit chat? Regarde comme ils sont beaux!

     Un chat! C'était donc cela ce goût subit pour le marché qui ne l'intéressait guère en temps normal! Comment un jeune mari résisterait-il? Marianne s'accroupit devant les paniers; elle le voit tout de suite, celui qui sera le sien, un déluré, un gris tigré sans pédigrée, fils de gouttière, portant sur le front, noir sur gris, un "M" comme ils en ont parfois et qui les distingue. C'est comme s'il portait des sourcils écarquillés, qui lui font une figure comique et candide. Et elle l'emporte.

     Il s'appellera Elliot. Pourquoi? Je n'en saurai rien quand j'apprends avec effarement cette adoption soudaine.

     - Mais vous avez un tout petit appartement! Il n'aura aucun espace!

     - Et les tiens, maman, ils en avaient plus?

     Hum! Du moins pouvaient-ils partir par les fenêtres et revenir de même; mais ici rien ne se prête à ces fugues capricieuses, rien. Le pauvret devra vivre enfermé dans trois pièces étroites.

     - Il ira faire un tour dans l'escalier, affirme Marianne qui ne doute de rien.

     Il fit un tour, en prit l'habitude, s'exerça à la culbute sur la rampe, atterrit l'étage en dessous, sans aucun mal, remonta, redescendit, rentra enfin. Il me disait affectueusement 23428_109322949082322_100000138535862_238260_3858701_nbonjour quand je rendais visite. De même à mon mari. Il avait une façon de s'insinuer dans mon sac à main où il se nichait, comme pour la promenade. Et puis, patatras! Il fit ses griffes. Où? Un peu sur les flancs des fauteuils, et un peu beaucoup sur la tapisserie du palier, qui devint très vite son lieu favori. Avec délectation, un jour que Marianne, confiante, lui avait ouvert la porte, il s'exerça méticuleusement, gratta, déchira, et rentra ayant arraché le papier sur toute la largeur du corridor. La réaction fut rapide; la propriétaire exigea le retapissage complet et Marianne tint désormais captif un chaton qui ne demandait qu'à s'exprimer.

     C'est vers cette époque que Maurice et moi avons enfin pris des vacances de trois semaines. Nous les écourtions chaque année pour terminer un travail écrasant et avions décidé cette fois de partir pour l'Italie. A condition que Marianne vienne nourrir David et lui tenir compagnie un petit bout de temps.

     - Je ferai mieux, déclara notre fille. Nous viendrons habiter chez vous pendant ces trois semaines. David se sentira moins seul et il fera connaissance d'Elliot à qui le jardin dérouillera les jambes.

     Bonne idée? Comment David, maître suprême depuis tant d'années, accueillerait-il le nouveau venu? Je n'ai pas le temps de me tracasser, Marianne, Philippe et Elliot s'installent chez moi et nous partons sans plus tarder.

     IMG_NEWQuand nous revînmes, David et Elliot avaient trouvé leur propre arrangement. L'aîné se prélassai sous son sapin, que venait subrepticement flairer le plus jeune, lequel reçut une raclée quand il se hasarda à s'y coucher à son tour; il n'insista pas et s'étendit à trois mètres de David, dans l'herbe tout simplement, sans crainte aucune, s'adonnant à une minutieuse toilette, qu'observait le patriarche d'un oeil indifférent.

     - Ils s'entendent, maman! s'écria Marianne. Ils vivent en bon accord, David l'a toléré, sans doute parce qu'il est si jeune et que lui-même commence à en avoir assez des disputes tribales. Tu sais ce qui serait bien? Que vous adoptiez Elliot, il se plaît tellement ici, il fait des courses affolantes, il exerce ses griffes sur les arbres, il ne s'occupe pas de tes fauteuils, c'est dehors qu'il vit, il rentre pour manger et le soir pour tenir compagnie et dormir. Regarde-le: il ne s'habituera plus à nos trois pièces .

     Elle ne demandait rien à son père. Elle savait qu'il dirait oui, il jouait avec le jeune chat, qui lui léchait a main délicatement, puis s'enfuyait et grimpait bien haut dans le noyer pour montrer ce qu'il savait faire. Le garder! J'en avais envie mais je ne voulais pas imposer une contrainte à David, dont les vieux jours méritent le calme. Je le regarde, je me dis qu'il comprend et ses beaux yeux limpides ne reflètent aucune animosité pour le benjamin. Alors je dis oui, à condition qu'Elliot se comporte bien avec David.

     - Voilà, mon garçon, tu as gagné, fait mon mari en flattant le crâne du nouveau locataire. Et toi aussi, ma fille, ajoute-t-il en clignant de l'oeil.

     Le sort en est jeté. Nous avons à nouveau deux chats...

PASSANTE

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Commentaires
L
Ils connaissent nos faiblesses... Et puis, Marianne savait qu'un chat de plus serait une joie de plus! Et ils ont mené leur petite vie côte à côte, sans hostilité. <br /> <br /> Bon dimanche à toi, chère Quichottine.
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Q
Les enfants savent bien s'y prendre pour nous entortiller.<br /> <br /> Je suis contente que David et Elliot aient trouvé un terrain d'entente. :)
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L
Quand ils vivent ensemble, les chats trouvent un arrangement: certains s'adorent, d'autres se supportent, d'autres sont indifférents. Je crois que David, très conscient de son droit d'aînesse, acceptait Elliot à condition qu'il le laisse en paix! <br /> Bonne journée, chère Anouchka, à bientôt..Bisous.
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A
Quelle jolie histoire, chez nous c'est le plus jeune qui martyrise la vielle !! Mais juste pour jouer !!<br /> Bonne journée à toi et doux bisous
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L
Tu sais, Adrienne, j'aime tellement les chats que je n'ai aucun mal à raconter leur vie!...
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