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LE CAHIER DU SOIR de LORRAINE
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LE CAHIER DU SOIR de LORRAINE
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30 janvier 2011

L'HOMME DE MA VIE

     

   On ne se connaît pas très bien, on s’est rencontrés dans la foule hier, devant le tapis de fleurs de la Grand’Place. Il m’a dit :

  - Vous avez l’air d’une jardinière avec votre petit chapeau rond !

 

 Je ne suis pas très sûre que c’était un compliment. Mais il semblait champ_tresi content que j’ai ri avec lui. Il est très beau, Narcisse, les cheveux assez longs, un fin visage de fille, et des yeux bleu myosotis.

  Au lever, ce matin, je veux ouvrir les volets.

  - Non !

  Un non qui me glace. Impérieux et affolé. Je me raidis. Il s’excuse :

  - C’est mauvais pour le teint…

 

 Narcisse_MVC_621FJe réprime ma stupeur. La nuit m’a solidement prouvé qu’il n’est pas homo. Mais quand même !...Son teint ! ..IIl est frais comme une rose. Presque trop. Allons, à chacun ses manies, s’il est un peu coquet, c’est son droit, après tout.

  Dehors, il fait gris. A tout hasard, Narcisse a emporté son trench. On ne sait jamais. Dans le parc, on s’assied sur un banc, comme des amoureux. Les enfants lancent leurs bateaux dans la vasque, un pigeon picore à nos pieds. Une goutte tombe. Deux gouttes, trois… D’un bond, serré dans son anorak le chapeau imperméable abattu sur les yeux (il sort d’où, celui-là ?)  Narcisse m’entraîne d’une main et de l’autre chausse ses lunettes fumées.

  - Mais, Narcisse, il pleut !

 - Justement !

  Et sans me laisser le temps de réagir, il fonce dans l’église Ste Marie, me tirant toujours à sa suite. A 4 H. de l’après-midi !

  - On va au salut ? Tu es dévot à ce point ?...

 - Non, prudent…

  Et tandis qu’on s’installe sur les prie-dieu, il marmonne :

  - J’aurais dû mettre mes gants.

  Je le regarde : nous sommes au mois de juin, on annonce la canicule, il est habillé comme s’il prévoyait une tornade et moi je suis chavirée. Une sorte de léger vertige, une angoisse qui me serre la gorge, un début d’épouvante, peut-être, d’être là, seule avec cet homme…cet homme qui… 

 Une mèche de ses cheveux blonds scintille dans la lueur des bougies. Blonds ? Légèrement bleutés, semble-t-il. Ou plutôt, vert pâle. Je chevrote :

  - Narcisse, tes cheveux….

 - Quoi, mes cheveux ?..

 - Ils sont…

  Je m’étrangle. Il hurle : « Verts, c’est ça ?...Verts ? »…

 

 Eh bien oui, verts. Comme la peau de ses mains non gantées, et le menton et le commencement de barbe visible sous le chapeau rabattu.

  -Il avait raison ! crie-t-il comme un dément. Il me l’avait dit !...

  Qui avait dit quoi ?

  - L’enchanteur Merlin. Je l’ai vu en rêve. Il a prédit que la pluie ferait de moi une fleur…

  Je m’écroule, je pleure et je ris aux larmes en même temps, je tape des pieds, assise sur le prie-dieu, je ne sais plus si je suis triste ou si je délire de gaîté. On nous transporte tous les deux aux urgences… Narcisse intéresse les scientifiques, moi j’ai simplement une crise de nerfs. Nous vivons ensemble. Nous recevons des messieurs très doctes, qui prélèvent un peu de sève à Narcisse, pour l’étudier, l’arrosent quelquefois, pas trop, analysent son suc, son pistil, ses pieds sensibles mais forts. Ils ont pris racine dans le jardin, près de la tonnelle. Narcisse est devenu un narcisse d’une espèce inconnue. Une tige élancée, des pétales élégants, des feuilles fuselées, mais un visage intact, beau et limpide, qui parle, sourit, mange et boit. J’y pourvois. cupidonQuelquefois, il m’enlace, nous avons la même taille, et ses doigts feuillus me tiennent avec la fermeté du lierre.

  Il passera l’hiver dans un pot. Il paraît qu’il le supportera très bien.

 

LORRAINE

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Commentaires
L
Une réelle coïncidence, tu sais. Et ce gant-ci avait un autre mobile que ce gant-là....
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G
TIens, encore un gant. Amusant de revisiter les grands classiques au gout du jour.
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L
Oui, mais avant la naissance de ma fille!... J'en ai publié dans des revues, des magazines et en albums. Et puis le journalisme m'a empoignée et cette veine-là, je l'ai crue morte. Mourtant, quelquefois, je la sens frémir...peut-être m'y remettrai-je?
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L
as-tu écris des contes pour enfants ?<br /> les tiens, petits, arrière-petits ?<br /> tu narres joliment.
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L
Oui, c'est bien le mot: une magie!...
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