L'HOMME AU GANT NOIR
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le sort de sa poche, le roule, le triture et finalement l’enfile. Il n’en met
jamais qu’un. Pourquoi ? Va savoir ! Mais il y tient à ce gant
unique, en fine peau noire, c’est un peu sa coquetterie, sa façon de se
démarquer des autres, les communs, les quelconques, la foule, quoi !
Il n’est pas prétentieux, simplement lucide. Il sait ce qu’il vaut, ce qu’il est : un homme qui attire les femmes d’un regard. C’en est même un peu agaçant. Il voudrait avoir la paix quelquefois, ignorer que ses yeux d’un bleu innocent intriguent ou pire, mettent mal à l’aise.
Alex soupire. Dehors, il fait lumineux, un de ces jours d’été qui incitent au bonheur. Il marche vite. Il s’engouffre dans le palais des Mages ; sur l’estrade, le bureau l’attend. Dans la salle, le public arrive. Un public attiré par le sujet, mais aussi (il le sait) par son personnage insaisissable : l’homme au gant noir.
Les murmures s’apaisent. Installé, il contemple un instant ceux qui lui ont fait l’honneur de se déplacer pour l’entendre. Personne ne dit rien. La salle l’écoute. Il parle bien, il connaît le sujet. « L’expérimentation par le vide » tient en haleine.
Son débit mesuré distille les mots. Il captive, il le sent, il peut disséquer, aller plus loin, faire de l’esprit, interroger, répondre, prétendre que...
« Salaud ! »
Cette fois-ci, c’est embêtant. La salle chuchote, l’huissier prie fermement l’intruse de sortir. Elle se débat, elle se retourne, elle menace :
- Tout le monde saura que tu es un lâche, un impuissant, un vicieux...
LORRAINE
(Tableau de Le Titien "L'homme au gant". Inutile de préciser qu'il n'a rien de commun avec le récit!)