PREMIER PRINTEMPS
Le tout premier printemps, celui des bourgeons troussés au bout des branches, je l’ai cueilli dans le chemin campagnard où nul ne me précédait. J’avais quitté la maison encore frileuse, abandonnant les livres d’hiver, les mules écarlates et le chat qui, de la fenêtre, me regardait partir. Je ne pensais pas au crépuscule prompt à venir, je marchais vers la rivière lourde et son premier parfum.
Une coccinelle s’est attachée à mon manteau et nous fûmes deux à aimer les enfants traînant par la route et la ferme assise comme une petite vieille au bord d’une pelouse inculte. Même l’aboi du chien était autre et la femme que j’ai croisée m’a regardée comme une soeur, peut-être parce qu’elle aussi avait volé une promenade au printemps.
Je n’ai rapporté chez moi que mes mains vides et dans les cheveux la fraîcheur des arbustes. Mais tout le logis sembla animé à mon retour parce que j’avais l’âme neuve et le souvenir des anciens soirs, quand Lui et moi n’avions pas vingt ans et que nous découvrions, en même temps que les saisons, le charme de l’amour.
LORRAINE