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LE CAHIER DU SOIR de LORRAINE
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18 avril 2012

L'AUBERGE PILOTE DE HEIDELBERG

     Un ami virtuel de longue date m'a demandé à plusieurs reprises de publier un ancien reportage, du temps où 1j'étais journaliste, curieux peut-être de voir comment évolue l'écriture au cours des années. Cédant à son amitié, je publie ici un article écrit en 1964. C'était l'époque où les journaux disposaient de nombreuses pages; on attendait alors du journaliste des détails qui peu à peu allaient disparaître. En effet, l'incessante augmentation du prix du papier obligea les directeurs de presse à réduire leur nombre de pages tout en conservant les rubriques essentielles. On disposa dès lors d'un nombre de lignes précis à ne dépasser sous aucun prétexte; nous apprîmes à "écrire court"... Vous excuserez donc la longueur de cet article souvenir d'une époque où l'on avait le loisir de s'exprimer!..

XXX

(Ecrit en 1964)


     Nous sommes loin du temps héroïque où l’Auberge de Jeunesse était le plus souvent une rustique maisonnette nichée au bord d’une clairière; on allait puiser  de l’eau à la fontaine et le soir un feu de bois réunissait les jeunes assez aventureux pour préférer la halte inconfortable, assez enthousiastes pour goûter le charme de la nuit mystérieuse parmi les hôtes de la forêt.

     De telles auberges existent encore  alors que d’autres auberges de jeunesse ont aujourd’hui l’allure de palaces et plus n’est besoin d’aimer la vie rude et la rusticité du lieu pour loger  ou demeurer quelques jours à l’auberge pilote de Heidenberg.

L’AVENTURE DE L’AMITIE

     Suis-je dans un salon d’accueil, la salle de fête? Non, c’est tout bonnement le hall où filles en espadrilles, garçons en shorts pénètrent par la vaste baie vitrée, s’arrêtent un moment, indécis, puis se dirigent vers le guichet; ils y demandent le prix de la nuitée, de la pension et s’il y a place, s’inscrivent.

     Venus isolés ou en groupes, ces jeunes ne se connaissent pas; s’en iront-ils demain, après-demain, aussi étrangers l’un à l’autre  que les voisins de table des hôtels fastueux, sans avoir échangé un sourire ou baragouiné quelques mots dans une autre langue, sans avoir tenté l’aventure de l’amitié?

     N’est-ce pas pourtant un peu cette amitié universelle qui rassemble ici ces jeunes Italiens, Espagnols, Belges, Anglais, Autrichiens et Allemands? Ils parcourent l’Europe pour le plaisir du voyage; faut-il en exclure la rencontre d’un nouveau visage, l’échange de deux pensées venues de deux horizons?

LES ETRANGERS DE LA TOUR DE BABEL

     L’Auberge de Jeunesse de Heidelberg est spacieuse, moderne, nette, confortable. Mais le climat n’y est pas.

     Certes, cet adolescent napolitain aux longues jambes nerveuses converse Heidelbergavec une jeune fille en corsaire bleu-roy mais c’est parce qu’il est Italien et elle une Française charmante. L’eût-il rencontrée sur la  route ou le quai d’une gare, il lui eût tout autant tourné le madrigal.

     Mais les autres? Solitaire, un Anglais boit un soda dans le réfectoire. Pour consulter sa carte routière, un Japonais court et rieur s’est isolé à la terrasse. En kilt et culotte, deux Ecossais jouent à la guitare des complaintes de leur pays. On écoute. On se tait.

     J’ai trouvé le Père aubergiste dans la pièce attenante au comptoir. Les présentations faites, je lui pose la question qui me brûle les lèvres:

     - Pourquoi personne ne parle à personne?

     - Ils restent trop peu de temps, un jour d’ordinaire. Ceux qui restent un peu plus font connaissance. Heidelberg est surtout une auberge de passage. L’Auberge peut accueillir 500 personnes et en cas d’affluence dresser en oure des lits de camp. Beaucoup de jeunes gens se réunissent le soir pour écouter des disques et tous les mercredis, ils peuvent assister à la projection d’un film documentaire.

     On comprend que, dirigeant d’une vaste auberge, le Père aubergiste veille surtout au ravitaillement et au repos de ses pensionnaires.

     Boutons et manettes de l’impressionnant tableau électrique lui permettent d’actionner les armoires frigorifiques, les cuisinières, l’éclairage, l’armoire à chauffer les assiettes, que sais-je encore! Sous la surveillance d’une régente ménagère,  8O personnes s’occupent journellement des repas.

     - Qui s’arrête ici?

     - Tout le monde, voyons!

     - Mais encore? Des Belges?

     Il feuillette le carnet d’inscription pour juin: 86 Belges, 10 Egyptiens, 360 Anglais, 95 Français, 375 Danois, 65 Israéliens, 1 Yougoslave, 266 Canadiens, 2 Espagnols et tous les groupes de passage – plus de 100 personnes parfois – qui restent une nuit, deux ou plus.

     - L’expérience vous a appris à connaître la psychologie des peuples?

     L’expérience lui a appris à se méfier des méridionnaux: l’Italien et l’Espagnol ne voient pas Heidelberg, ils voient les jeunes filles...Les Anglais sont exemplaires, les Belges aussi, les Français un peu moins, les Suédois trouvent qu’on va dormir trop tôt. Les Américains font beaucoup d’efforts pour s’adapter au pays; sous la présidence d’Eisenhower, ils ont reçu une brochure qui enseignait comment se conduire dignement à l’étranger.

     - Bien sûr, à peine les Anglais ont-ils un  pied ici qu’ils s’inquiètent de leur bacon, eggs, tea and chips; ils n’apprécient guère la vie en société.

     Il n’empêche que par an, l’Auberge de Heidelberg enregistre de 70 à 80.000 nuitées dont un quart pour les étrangers.

     C’est fort bien et tous ceux qui y sont passés auront apprécié le logement et l’excellente cuisine. Peut-être au fond de leur coeur auront-ils pourtant l’indéfinissable regret de l’étroite maison de bois nichée au coeur d’un vallon, où l’on se serre les coudes autour de la table commune et où, la nuit par la fenêtre ouverte, entrent à pas de loup le rêve, le goût de l’aventure et l’appel tout proche de la forêt environnante.

 

M.E.

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Commentaires
L
Tout évolue, tout change et ceux qui ne s'adaptent pas sont renvoyés...La dure loi du travail. Tu me vois confuse, chère Marine, tes mots me flattent; sans doute ressens-tu ma très nette tendance à privilégier les reportages sociaux qui informent et aident vraiment le lecteur. Même si à côté de cela j'ai aimé aussi les "billets d'humeur". le métier a tant de facettes!<br /> <br /> Bon dimanche, chère Marine, bises.
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M
Les époques changent, c'était un métier d'écrivain, à présent il faut concentrer...<br /> <br /> Tu étais bien charmante et on lit sur ton visage que tu es une belle personne Lorraine, mais je le savais déjà !
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L
ne te bouscule pas surtout, chère Oxygène, viens quand tu veux, peu importe le moment, je comprends si bien la vie qui passe, avec ses surprises et ses joies. Et les enfants et petits-enfants sont primordiaux dans la liste! Je te souhaite beaucoup de bonheur en famille et je t'embrasse très fort.
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L
Mais bien entendu, chère Oxygène, reçois tes enfants le coeur en paix. Je comprends si bien que l'on remette à plus tard des commentaires ou même des textes prévus, parce que d'autres choses sont tellement plus importantes! Ses enfants, son couple, ses parents, sa santé, son travail et tant de choses. Le blog est un passage, une halte et je m'en voudrais d'être une "obligation", par gentillesse de la part de celle qui me lit. Alors, je te souhaite beaucoup de joie avec ta famille et je t'embrasse très fort.
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O
Chère Lorraine. Le temps me manque ce matin pour lire cet article. Mes enfants et petits-enfants arrivent ce soir et j'ai pas mal de choses à préparer. Je reviendrai te lire dès que possible.<br /> <br /> Je t'embrasse très fort.
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