LA REVERENCE
«… La révérence, le pas de cadence, et le tour de France ! ». J’entends encore cette phrase finale d’une danse à la corde qui se terminait dans un tourbillon. Comment faisions-nous ? Je l’ai oublié. Mais j’aimais ces mots qui se répondaient et le jeu qui exigeait des fillettes que nous étions pas mal de vivacité.
Par contre, surtout pas de vivacité quand nous croisions Sœur Directrice dans l’un des longs couloirs entourant le préau ! Le professeur claquait dans les mains, le rang s’immobilisait, et nous plongions toutes ensemble dans la révérence conventionnelle : un pied en arrière, une légère flexion des genoux, une discrète inclinaison de la tête, la Directrice passait, on respirait et nous continuions notre chemin. Nous nous exécutions aussi lorsque la Supérieure, cette fois, ouvrait vivement la porte de la classe, ayant décidé de distribuer les bulletins elle-même. Le petit cérémonial recommençait quand elle nous quittait après avoir complimenté ou réprimandé celles d’entre nous qui le méritaient.
Heureux temps de l’école ! Nous ignorions alors que la révérence perpétuait un geste traditionnel de la société d’Ancien Régime pour marquer la considération envers une personne. Notre révérence apprise à la hâte par une « mademoiselle » elle-même dispensée du geste respectueux, prouvait notre bonne volonté, nos « bonnes manières », mais certainement pas notre maintien irréprochable !..Petites, nous étions souvent en tablier noir, notre génuflexion dépendait de la légère bousculade affolée qui la précédait ; adolescentes, nous y mettions une indifférence réelle ou un respect excessif, par jeu ou malignité. Ces temps sont bien loin ! Mais y repenser me fait sourire car il s’y mêle un parfum d’enfance, le soleil éclairant de biais notre rang au garde-à-vous et la cour de récréation qui libérait soudain notre troupeau réglementé en un joyeux brouhaha d’insouciance !
LORRAINE