UN CONTE A DORMIR DEBOUT
"Du charivari dans les contes pour enfants, c'est ce que souhaitait la consigne des "Impromptus" en nous invitant à écrire "Un conte à dormir debout", intégrant comme personnage central Alice, ayant quitté le Pays des Merveilles. La voici donc dans son nouveau monde.
XXX
D’une grande enjambée, Alice sortit du livre. Maintenant, elle serait une petite fille comme les autres, ni trop grande, ni minuscule. « Les cabrioles, ça suffit », dit-elle au chat Chester. Mais le chat Chester avait disparu : il restait au Pays des Merveilles.
- Oh ! c’est dommage, soupira la petite fille comme les autres.
Elle sortit son GSM de sa poche et fit le numéro.
- Allo, ici la firme Poucet pour vous servir, répondit une voix fluette
- Je voudrais un taxi, je vais au n° 1 rue de la Planète.
- Me voici illico, je connais le chemin.
Il connaissait vraiment le chemin car la petite fille comme les autres eut à peine le temps de rouler ses cheveux blonds en queue de cheval qu’un véhicule freina des quatre roues dans son dos. Un tout petit homme semait subrepticement des cailloux dans la rue déserte.
- Je connais tous les chemins dit-il mystérieusement, n’ayez
pas peur, nous arriverons. Montez !
Monter ! « Mais c’est un carrosse ! s’écria Alice courroucée, j’ai demandé un taxi ».
- Ne vous inquiétez pas, il va devenir citrouille. Chut ! ne dites rien, nous avons un peu inversé les situations, mais vous serez au bal pour minuit, soyez-en sûre !
- Je ne vais pas au bal, protesta –t-elle, Arrêtez ! Je veux aller rue de la Planète. Je veux…
- Pas de souci ! Nous y voilà ! Donnez-moi la main, Princesse.
La petite fille comme les autres, découragée, entra machinalement dans le Palais, le minuscule Poucet perché sur son épaule comme un perroquet. Une fille très laide essayait en vain un soulier de vair, son gros pied poussait et enrageait, sa sœur aussi grosse et laide, le lui arracha et tenta de l’enfiler.
« Ces gens sont fous ! », murmura Alice effondrée. « Plus fous que le Chapelier fou, plus fous que le roi de Cœur. Mais qui sont-ils ? Et qui est celui-là ? »
Un Prince de lumière arrivait, couronne en tête, sceptre sous le bras. Assez agité, il écarta l
les deux sœurs laides, prit le soulier de vair et l’agita en hurlant :
- Où est Cendrillon ? qu’on me l’amène ! L’histoire dit que je dois l’épouser. Et que ça saute !..
Les laquais se précipitèrent vers la porte dorée. « Me voici ! » s’écria une jolie voix féminine. Et Blanche- Neige entra escortée des sept nains qui chantaient « Eyo ! Eyo ! on rentre du boulot… ».
Alice au bord des larmes avait le tournis.
« Je veux rentrer chez moi, je suis Alice. Oh ! Lewis Carroll, supplia-t-elle, vous qui m’avez inventée , laissez-moi retourner au Pays des Merveilles…
Un sourire flotta devant elle , elle le reconnut aussitôt :«Chester, tu es là ? »
- Je te reconduis, miaula-t-il. Suis-moi…
De soulagement, elle ferma les yeux. Quand elle les rouvrit, le livre se refermait définitivement sur eux et le Chapelier fou servait du thé au Lièvre de Mars...
LORRAINE