DUO D'OMBRES
(Cette semaine-là, "Les Impromptus" proposait une consigne que je vous livre ici, tant elle est bien tournée! La voici: "Paris, tout le monde le sait, est plein des fantômes de ceux qui y ont vécu ou y sont passés. Comme le temps leur parait long, bien qu'il soit pour eux aboli, ils se rencontrent ça et là pour deviser, ou encore ils s'écrivent, sans que l'époque qu'ils ont investie de leur vivant soit un obstacle. Le vent parfois porte un de ces chuchotements ...". Je n'ai pas résisté. Voici donc une "correspondance" particulière.
XXX
Ma toute belle,
J’ai cru deviner, hier soir, votre longue robe de mousseline dans les
Jardins du Roy, mais vous ne fîtes pas attention à mon léger pas qui vous suivait. J’aperçus – ô supplice ! – un bellâtre qui se permit de vous prendre sur son coeur. Ma Divine, n’avez-vous pas frémi d’indignation? N’avez-vous pas repoussé l’Homme infâme qui sur vous ose poser les yeux! Vous me fûtes si chère jadis, ô Amie, quand tournant vers moi votre regard de biche effarouchée, vous acceptâtes en frémissant le baiser passionné que je vous volai! Mon coeur se brise. .. (Renée Vivien)
Très chère Amie,
L’homme a de puissants attraits que votre féminitude rejette avec hauteur. Certes,
entre vos bras, je connus l’ivresse éperdue, l’émotion inégalée, l’abandon contre un corps sembable au mien, la douceur du rêve, la similitude. Mais en ai-je pour autant oublié le trouble d’un regard mâle, la hardiesse de bras robustes qui vous enserrent, l’inexplicable bonheur de la soumission consentie? Vous ne connaissez pas l’Homme, ma très chère. Comment pourriez-vous alors comprendre l’extase d’être prise, et non d’être comprise? Je n’oublie pas l’effleurement de vos caresses. Mais j’accepte la vigueur masculine, très chère, et tant pis pour vous qui ne la connaîtrez jamais. (Liane de Pougy)
Les fantômes ont déposé leurs plumes. Ces reines éphémères d’un Paris offusqué s’effacent dans la nuit tandis que la PRIDE PARTY prolonge jusqu’au matin ses exhibitions et ses jeux.
LORRAINE