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LE CAHIER DU SOIR de LORRAINE
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LE CAHIER DU SOIR de LORRAINE
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25 septembre 2012

UN PETIT COUP DE VIEUX...


 

     Elle a 77 ans mais bien portés,  le genre « dame » qui va encore au théâtre le dimanche en matinée et a même pris un abonnement.  Elle y rencontre son amie Yvette et après,  elles vont prendre un café place de Brouckère, au Métropole.

     L’été, elle met sa veste rouge  cintrée, une jupe blanche et avec ses cheveux blonds bien ondulés on lui donne dix ans de moins. Elle s’installe au parc, et bavarde avec M. Emile, ou Mme Charlotte, mais oui vous les connaissez, ils sont toujours là quand il fait bon, ne me dites pas le contraire !  M. Emile a une petite moustache grise, il a l’air d’un général en retraite, mais en réalité il était négociant en grains,  rue de la Circonférence, vous voyez où ? C’est un homme très courtois : « Il voudrait bien se remarier,  mais moi, j’ai eu assez d’un homme dans ma maison,j'ai dit non, bon débarras ».

     Elle raconte son histoire calmement,  sans colère, sans chagrin.

DAME âgée promenade

Ceux qui l’écoutent se disent « C’est dommage qu’elle n’a pas d’enfants ».  Elle marche dans la rue à pas lents, réguliers,  sans canne.  Elle est trop fière. Personne ne sait qu’elle a mal aux genoux. A quoi bon se plaindre ?

     On évite de lui demander ce qu’elle fera plus tard.  Plus tard, quand elle sera très, très vieille… Et puis, le soir de Noël, à la messe de 9 H. quand tout le monde quittait l’église,  elle a voulu voir la crèche de plus près. Elle s’est approchée et toute à la lumière des bougies et des guirlandes n’a pas vu l’estrade sur laquelle elle a buté. On s’est précipité.  A l’hôpital, c’était classique : col du fémur ! Elle ne se plaint pas.  Elle guérit doucement, très doucement.  L’assistante sociale vient la voir.  Non, elle n’a pas de famille ;  oui, elle ira en convalescence dans une maison de repos et de soins.  Après ?  Mais je rentrerai chez moi, bien entendu !

     Elle n’est pas rentrée chez elle.  Sa chute malencontreuse s’est mal remise.  Elle boîte.  Non, elle ne peut plus descendre ses deux étages.  Non, le médecin est formel : plus de paquets lourds, du repos,  du calme.  Votre cœur n’est pas si fameux que cela, vous savez…

     Elle est dans la maison de retraite,  une petite chambre au 3ème avec ascenseur. Elle regarde par la fenêtre. Il neige. Parfois, M. Emile ou Mme Charlotte viennent la voir.  Son amie Yvette téléphone quelquefois.  Elle vieillit.  Elle paraît son âge.   Les infirmières sont gentilles.  Le dîner est correct.  Non, elle ne va pas à l’ergothérapie ; non, elle n’aime pas tricoter. Elle regarde la télévision et s’endort.  Par contre, la nuit,  elle ne dort plus.  Alors elle pense.  Elle pense qu’elle marchait encore, au printemps dernier.  Et elle soupire.

 

LORRAINE

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Commentaires
L
Oui, très exacte cette remarque. La vraie vie ne se pose pas de question. En vieillissant, tout devient sujet à question: marcher, sortir, comprendre, se souvenir, reconnaître...<br /> <br /> En attendant, j'écris!
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L
Oui, le sujet est sensible. Comment en serait-il autrement? Vieillir est toujours un cheminement difficile; en être témoin émeut et souvent oblige à des décisions douloureuses; le vivre c'est accepter des dépendances d'abord menues puis très souvent contraignantes.
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L
à un moment de la vie, il suffit de presque rien pour rompre avec la vraie vie.<br /> <br /> c'est la vie, mais c'est rude...
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F
Eh! bien, je vois que cette histoire vraie (et nous en connaissons tous)soulève bien des réactions! le sujet est sensible, que l'on soit jeune et préoccupé du sort de ses parents ou bien plus âgé et préoccupé par le sien!
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L
Oui, c'est triste, surtout quand la dame âgée n'a rien prévu pour son avenir. J'ai choisi lucidement ma maison de retraite, celle où j'irai quand le moment viendra. Cela ôte beaucoup de poids au coeur des enfants, partagés entre l'affection et le remords quand la solution s'impose. Je souhaite que les choses se passent sans trop de souffrance pour vous, Nickyza.
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