LA TENTATION DE L'INTERDIT
L’interdit a ce petit goût ineffable qui n’appartient qu’à lui. Le goût de la pomme, peut-être, celui auquel ne résista pas Adam ? Le goût du désir, quand il passe à proximité, vous effleure, vous aimante et que vous le combattez? Le goût safrané de la fuite, quelle qu’elle soit, vers un ailleurs imaginaire ou vers un quotidien banal mais différent, que la vie tout simplement refuse ?
Qui n’a pas eu envie, tout à coup, de klaxonner en pleine ville parce que c’est interdit, pour voir, pour narguer peut-être notre monde policé ? Qui n’a pas franchi la clôture dans les champs pour aller un peu plus loin, parler aux moutons de plus près, s’étendre dans une herbe qui n’appartient qu’à son propriétaire ? Qui n’a pas, pendant le cours de maths, écrit son devoir de français ? Et qui n’a pas chipé des bonbons dans le bocal défendu, sur le haut de l’armoire ?
Que l’on soit jeune ou adulte, la tentation nous guette, mineure ou majeure. Elle saupoudre notre existence de petites et grandes sollicitations. D’actes défendus contre lesquels on se révolte ou passe outre. Ce ne sont, finalement, qu’interdits assumés et sans grande importance.
Il en est d’autres. « Tu ne voleras pas, tu ne tueras point »…
La tentation de l’interdit réduit parfois le vol en « larcin » aux yeux de celui qui l’exécute, qu’il s’agisse d ‘un
acte de kleptomanie, d’un vol à l’étalage…Mais aussi – et c’est infiniment plus glauque – la tentation du fric (pardon de l’interdit !) qui conduit des responsables d’entreprises ou d’associations peu scrupuleux à des détournements de fonds inacceptables. Même s’ils les jugent « insignifiants » et faisant partie du bussiness.
Nous assistons régulièrement à des débordements dans divers pays où émeutiers et policiers s’affrontent dangereusement. A côté de la rébellion pure et dure contre un gouvernement, un licenciement en masse, la chute du pouvoir d’achat, comment ne pas croire que certains jeunes éprouvent la griserie de la casse, de la destruction, dans une ivresse qui les rend forts parce qu’ils bravent le pouvoir établi et toutes les contraintes infligées par une société d’où ils se sentent exclus ?
Ici la « tentation de l’interdit » se malaxe sans doute avec les affres du désespoir.
« Il est interdit d’interdire »… disait-on naguère. Est-ce une solution ?
LORRAINE