MERLE, MON AMI
Il fait toujours le même chemin, le jeune merle, il m’intrigue! Il passe devant ma fenêtre en petits sauts réfléchis, tourne la tête, picore furtivement et continue sa marche dans l’herbe jusqu’au sapin le plus dru, où il s’enfonce et disparaît.
Peut-être sommes-nous face-à-face? Peut-être me voit-il comme je l’ai vu, mais si bien caché dans le touffu de l’arbre que j’ai beau me pencher, écarquiller les yeux, rien n’y fait. Enfoui parmi les feuilles , il vit sa jeune existence d’oiseau.
Sans doute son territoire est-il un peu le mien, puisque sa route longe mon sentier. Je l’y vois dans le creux de la matinée, puis au crépuscule, semblable à lui-même. Les oiseaux ont-ils un périmètre ? Sans doute. Quelles lois suivent-ils? Je ne suis pas ornithologue, donc je l’ignore. Mais je sais que mon petit merle et tous les merles d’Europe ont un chant si mélodieux dès la fin février qu’ils annoncent le printemps; j’ai toujours guetté cet instant quand j’habitais en ville et le premier trémolo par-dessus un toit me mettait la joie au coeur.
Il me faudra attendre l’an prochain pour réentendre ces psalmodies diverses, flûtées, si claires dans le ciel clair. Tous les merles se taisent fin juin. Ils laissent à d’autres oiseaux le soin d’égayer de leurs roulades les champs et les bois.
Et si Dieu prête vie à mon merlot, qui sait, peut-être viendra-t-il début mars me faire sa sérénade?..
LORRAINE