RENCONTRE SUR INTERNET
(Vous parlez d’une consigne ! Sujet libre, mais intégrer absolument les mots »D’horribles chaussettes vertes » et « Aujourd’hui le soleil s’est levé comme d’habitude »…. J’ai saisi au hasard une idée qui passait. Et voilà !
XXX
Elle est debout devant la fenêtre. Dehors, personne. La rue s’avance, mouillée, drue, provinciale. Viendra-t-il ? Il a promis, par mail. Elle se mordille les ongles., tourne la tête vers le miroir, s’examine furtivement. Oui, ça va.
Il a dit 2, heures. Que se passe-t-il, il est déjà 2 H.10. Se serait-il égaré ? C’est loin, Blois, depuis Bordeaux. S’il a un GPS il ne se perdra pas. Il préférait venir en voiture. Elle lui a réservé une chambre à l’Hôtel des Trois Chevreuils.
Oh ! elle le reconnaîtra ! Il lui a envoyé sa photo, ses photos plutôt dont une pendant les vacances, en slip sur le bord de la piscine. Il a le torse avantageux, beaucoup de cheveux bouclés légèrement gris, de l’aisance. De l’aisance presque nu, ce n’est pas toujours facile. Elle, par exemple…Mais elle, c’est sans importance. Ce sont leurs esprits qui se sont rencontrés sur Internet, elle n’attend rien d’autre que cette amitié chaleureuse qui s’est installée au fil des jours, qui débouche sur une volonté commune de se rencontrer.
La voiture s’arrête. Mon Dieu, il est là ! Christine se renfonce vivement derrière le rideau, répond d’un « Allo » étranglé au parlophone, ouvre… C’est un homme assez petit (assis sur le bord de la piscine, on ne s’en rendait pas compte..), chaussé d’affreuses chaussettes vertes. Une cravate verte assortie lui donne l’air d’un bourgeois endimanché. Il a un bon sourire, un peu crispé pourtant. Elle s’est levée, déploie son mètre quatre vingt en rougissant…
Mais ce sont leurs esprits qui se sont rencontrés sur Internet, voyons ! Pas leurs corps.. Debout tous les deux, ils se jaugent du coin de l’œil.
« S’il s’enfonce dans le silence, c’est foutu », pense Christine. Foutu quoi ? Elle n’a aucune idée préconçue. Et c’est vrai qu’on ne remarque pas sa taille quand il est assis…et encore moins quand il est couché, sans aucun doute.
- Albert, dit-elle, vous prendrez bien un doigt de porto ?
C’est comme ça en province. On sait accueillir les invités. Pas de whisky, c’est
trop…comment dire ? trop rentre dedans, c’est ça. Elle ne veut pas
lui donner l’impression d’y aller fort, de le séduire quand il aura avalé deux whiskys . Il accepte le doigt de porto, un peu embarrassé par le petit verre dans ses gros doigts. Il a grossi depuis la photo au bord de la piscine. Mais il a de beaux yeux. Ce sont leurs esprits qui se sont rencontrés sur Internet…
Il parle avec l’accent du Midi. Elle rit. Ils reprennent un doigt de porto. Il note l’adresse de l’hôtel où il va descendre.
- On y mange bien ? questionne-t-il.
« Il aime la bonne bouffe, pense-t-elle . Moi aussi ».
- Alors je vous invite. Je t’invite, Christine.
Il se déploie à son tour. 1,60 m. au plus. Mais une carrure…
- Venez, je vous aide.
Il lui passe sa veste rouge. « Elle a de belles épaules, les seins sont haut placés…pas mal, les jambes ».
Non, il ne va pas lui prendre le bras. Il marche à côté d’elle, aimable. Au restaurant, on les installe devant la fenêtre. Le garçon demande :
- Un apéritif, Messieurs-dame ?...
Elle répond, bafouillant un peu :
- 1 wisky..
- Moi aussi, dit-il aussitôt. Bien tassé.
Et il lui sourit . Un sourire comme une promesse…
Et ce jour-là le soleil s’était levé comme d’habitude.
LORRAINE