UNE VIE
Comme l’herbe était haute aux jardins d’autrefois
Et secrets les sentiers allant à la dérive
J’avais dans les cheveux l’odeur âpre des bois
Quand je m’en revenais un peu lasse et pensive
Je n’irai plus jamais flâner près de l’étang
Les dimanches de mai quand le ciel étincelle
Et je n’entendrai plus le coucou lancinant
M’interpeler, moqueur, là, pres des cascatelles
Je n’ai pas vu venir l’ultime lendemain
Qui m’attend quelque part au tournant de la vie
Le temps à pas feutrés me tire par la main
J’avais vingt ans hier!.. Et la mort me convie!
L’âge m’a rattrapée, comme dans un tournoi
Il me terrasse et rit de me voir prisonnière
Mes gestes ralentis l’amusent et ce sournois
Gommerait mon passé, ma joie et ma lumière!
Mais je reste debout. Si je vais à pas lents
L’âge et moi nous marchons sans nulle défaillance
Il sait qu’il gagnera mais il ignore quand
Et je ne suis pas prête à faire allégeance!
Et puis un jour viendra. Ce sera le dernier
Un jour comme aujourd’hui sans craintes ni reproches
Je fermerai les yeux. Et mon coeur allégé
Suivra sans hésiter l’appel vibrant des cloches...
LORRAINE
(Jeune fille à l'arbre -Tableau d'Eduard Niczky)