MA PETITE VIE DE RUISSEAU
Je suis le ruisseau. Je coule. Je murmure, je vais mon petit bonhomme de chemin, je traverse le bois en clapotant, je dis un mot à l’iris qui vient d’éclore, je baguenaude un peu, je sinue, j’aperçois de loin la petite Constance.
Tiens, la petite Constance promène sa poupée. Tiens, la petite Constance déshabille sa poupée. Tiens, je suis tout près de la petite Constance : « Bonjour, Constance, ça va ? ». Elle fait oui de la tête et je passe. Je ne regarde pas en arrière, je suis un ruisseau donc je coule. Je suis déjà dans le pré. Mais je suis encore à mon embouchure et je commence à peine mon parcours.
Ah ! revoila la petite Constance, elle déshabille sa poupée, elle lui fait une maison avec la terre et...mais enfin, Constance ! Elle fait cette maison dans mon lit de ruisseau. Je suis très mince, d’accord, à peine perceptible, ce n’est pas une raison, Constance, pour m’ensabler ! M’ensabler de plus en plus, d’autant que la poupée de Constance se prélasse, prend un bain, éclabousse mes rives. Je dévaste le talus (le pied du talus, pas tout le talus !), Constance patauge, elle adore, sa poupée patauge. Constance, arrête ! Démolis cette maison...Non, elle continue. A l’aide, je mouille les prés, les fleurs, les pieds de Constance qui rit, je déborde...Eh oui, c’est une inondation ! Enfin, une petite inondation... Constance, tu m’assèches !...Constance ?...Elle est partie, elle traîne sa poupée mouillée, la voilà sur le sentier, elle rit, elle joue...
Ah ! je recoule. Je suis de nouveau le ruisseau mince comme un fil qui s’en va vers la forêt. Au revoir, Constance !
LORRAINE