VOYAGE D'UN ESCARGOT
Tu aimes la pluie, escargot, c’est pourquoi nous nous rencontrons souvent dans les sentiers boueux. Nous avons les mêmes goûts, tu sors de dessous les branches lorsque je m’échappe de ma maison et si tes rendez-vous sont pleins de mystère, c’est seulement pour te surprendre que je me penche sous les arbres qui s’égouttent. Tu emportes ta coquille, tes rampantes fuites ont la lenteur d’une procession et à loisir je te suis, musard, grimpant de-ci, dégringolant de-là. Le lierre t’attire, tu t’attardes un instant sous ses feuilles enchevêtrées , mais tu repparais et d’une course décidée entreprends la traversée du chemin.
O imprudent, il te tarde donc tant d’arriver sous les fleurs, de goûter leur encens mauve et rouge, de rouler ton corps chargé dans les corolles gonflées de sève ? Un chat passe non loin de toi ; va-t-il te prendre pour un caillou, va-t-il s’intéresser à ton escapade ?
Mais non, ses longues pattes s’éloignent, tu n’es plus loin, te voici, ah ! quelle ivresse t’arrête enfin sous les rosiers, quel parfum repires-tu, étiré, le cou tendu, la tête droite ? Mais tu vas plus loin. Un autre bonheur t’attend, que je ne connaîtrai pas, et tu te perds, entêté et patient, sous les fleurettes qui bordent la prairie.
LORRAINE