LA FAMILLE QUIQUENGROGNE
La porte de rue claque, des pas vifs grimpent les escaliers, une jeune fille entre vivement dans le salon où sa petite soeur assise dans un fauteuil ne fait rien. Elle rêve. La jeune fille est belle, droite sur ses talons pointus, elle ressemble à une russe avec sa tunique de soie brodée, négligemment nouée d’un cordon tressé.
“ Tiens, dit-elle, ouvre donc”.
Un sourire, une question: “C’est pour moi?”
“Mais oui, petite sotte! Regarde les images; après goûter, je te lirai l’histoire”…
C‘est ainsi que Lorraine fit connaissance avec la “Famille Quiquengrogne”, des petits cochons qui habitaient une maison entourée de fleurs; là des aubépines, un bouquet de roses, un mur où grimpait la glycine, un jardin comme Lorraine n’en avait jamais vu, car elle habitait la ville. Elle fraya avec la Famille Quiquengrogne, si souriante, habillée de frais, le tablier brodé aux petits points et le chapeau de fête si somptueux sur l’imposante Madame Quiquengrogne!
Elle avait quel âge, Lorraine? Elle ne sait plus, cinq ou six ans, peut-être. Elle parla beaucoup avec la Famille Quiquengrogne, ils se confièrent des secrets, et elle garda pour eux une affection mêlée de reconnaissance: ils furent les premiers à lui montrer une autre vie, une campagne, des fleurs à planter, à cueillir, pour garnir les tables, les cols des blouses, la ceinture d’un jupon.
Ah! Les Quiquengrogne! Ils ont semé en Lorraine une bouffée de gaîté, de beauté, même s’ils étaient seulement des porcelets dessinés par une illustratrice qui, elle aussi, sûrement, les aimait!
Ils furent des amis. Je m’en souviens encore…
LORRAINE
(Huile de Sally Swatland )