MIKADO
(La consigne de l'Atelier d'Ecriture nous posa la question: Jouez-vous aux jonchets? Eh bien, non!)
Le mikado est un jeu d’adresse que je n’aime pas. Il vient de Chine mais en France on dit « Jouer aux jonchets ». Et là, tout change ! le mot me fond dans la bouche, il a une saveur miellée, orientale et fugace. Je le lance en l’air ; le jonchet, pas le mot. Quoique, si vous y tenez, je peux aussi lancer le mot à travers la pièce ; il vous atteint au front, il dessine un point rouge ; au cœur, il s’y incruste. Vous l’attrapez au vol : attention, il vous glisse entre les doigts.
C’est qu’il est preste, le jonchet, huilé comme des nattes asiatiques, on croit le tenir, il dérape, il échappe, on le rattrape par un coin de son kimono, il se dérobe, se dévêt, et vous le voyez devant vous tout fluet, jaune, inutile.
Vite, reprenez le jonchet, mêlez-le à d’autres tout aussi dépaysés que lui , faites-en un régiment, un rang d’écoliers, un défilé de mode. Admirez le jonchet bleu, refusez le jonchet noir, funeste et faites un bouquet de mots à marmonner jusqu’à ce qu’ils vous soient familiers, succulents et utiles.
` Utiles ? Alors, écrivez donc un fascicule dont on vous saura gré : « L’art d’introduire le jonchet dans la conversation »...
LORRAINE