ENFANCE
Les enfants m’émerveillent et je me penche sur leur féerie. Je pense à Danièle qui me disait, devant un remous au bord de l’étang :
- Regarde, marraine, le tout petit cabillaud !
Ma parole, elle le voyait ! Son visage satisfait respirait la confiance ; il était là, son petit cabillaud, il s’ébattait, il passait la tête pour respirer, il regardait le soleil et allait dire à ses amis qui habitaient plus bas, le temps qu’il faisait sur terre.
Danièle contemplait le lac ; elle m’expliquait :
-Regarde l’eau, ça fait des tout petits pas, c’est parce que ça cogne contre la terre, hein ?..
Et devant une feuille qui tombait, elle ajouta :
- Là, tu vois le beau papillon ? Youp ! dans l’eau !
Age ravissant qui transforme les feuilles en papillons, où l’eau marche à petits pas aussi aisément que le cabillaud prend l’air dans le lac, j’ai pour toi une dévotion infinie . j’interroge ces yeux qui voient tout naturellement des miracles , ce corps potelé couché sur le plancher et qui rampe « comme Moogli, le petit garçon de la jungle », ces mains qui s’accrochent aux barreaux des chaises ainsi qu’à des lianes. Je ne volerai pas ton univers, enfant, j’ai quitté pour toujours le temps des illusions et la sagesse, chaque jour davantage, m’éloigne de ton innocence.
On ne revient jamais en arrière et quand il m’arrive d’envier le vieux rideau qui te transforme en gitane, ou tes mines de Cendrillon qui feint de peiner auprès du feu en des tâches ménagères, je m’éloigne sans bruit, petite fille, afin de ne pas troubler l’émerveillement de ta fugitive enfance.
Tableau de Vladimir Volegov
LORRAINE
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