DORDOGNE
(Voici longtemps que je n'ai pas pris de vacances. Mais comme le temps s'y prête, j'ai exhumé un ancien billet écrit au cours d'une randonnée en France. Il me donnera l'illusion de revivre ces jours de détente où la vie était encore paisible)
XXX
La Dordogne coule à deux pas de l'hôtel, vive comme une eau de roche, fantasque, tourbillonnante. Au soleil, la terrasse a mille attraits: le lézard pressé qui s'engouffre dans un vase de pétunias, en ressort hardiment, muse sur le rebord, court, disparaît; le cactus géant levant vers le ciel ses trois bras épineux; le banc chaud et blanc où il fait bon venir s'asseoir.
Les Anglais ont envahi les lieux. Les deux dames fraîches et irréprochables portent leur soixantaine en robe blanche et bleue, correctes, pondérées, la joue rose. L'un des époux s'est affalé sur un transat. Rouge et bavard, il attend l'autre. Le voici. Gardons notre flegme puisqu'il garde le sien. Nanti d'un petit chapeau blanc en toile à bords recourbés, comme en portent parfois les enfants à la mer, son profil d'oiseau s'abrite du soleil. Un short découvre de maigres jambes nues, qui s'en vont explorer la France. Les Anglais croisent et saluent un couple hollandais en bas trois-quarts blancs, la lourde bottine soutenant de solides mollets de marcheurs.
Une hirondelle vole haut. Le ciel est infini. Titan, le chien, passe pour un bonjour affectueux. Deux voyageurs apparaissent en haut de l'escalier venant du jardin, encombrés de bagages. La jeune servante les précède. Une autre chante dans le couloir en passant l'aspirateur. Aujourd'hui, la terrasse est un lieu de passage. Tantôt, qui sait, sera-t-elle un lieu de détente.
LORRAINE