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LE CAHIER DU SOIR de LORRAINE
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LE CAHIER DU SOIR de LORRAINE
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23 juillet 2016

LE PHARE FANTÔME

(Sujet de consigne: écrire un texte sur le phare commençant par ces mots "J'ai encore oublié d'éteindre la lumière"... Voici donc mon récit)

xxx

 

J’ai encore oublié d’éteindre la lumière...

Le phare projette ses faisceaux tournants sur l’océan qui meugle, qui hurle, qui n’en finit pas de rugir et de rugir encore.  Je n’entends plus que  son incessante lamentation, j’essaie de me boucher les oreilles, mais non. Mes mains sont impuissantes à calmer le vacarme ; même tout en haut du phare, calfeutré entre les parois humides, les vociférations et les cris me lacèrent la tête .

Ils veulent que j’entende, ils savent que j’entends... Cela fait des semaines qu’ils me poursuivent de leurs clameurs. Cela fait des semaines que j’essaie  d’être sourd, de ne pas comprendre.. Quand c’est mon tour de regagner la terre, quand le bateau m’emmène jusqu’au rivage, ils se taisent. Leur silence soudain m’épouvante, il  m’interpelle autant que leurs appels déchirants, j’ai l’impression qu’ils me reprochent mon indifférence , qu’ils soulignent mon manque de cœur, ma cruauté, disons-le tout net !  Et je souffre. Personne ne sait comme je souffre.  Au point que ce soir...

Je connais bien la machinerie . Voilà quatorze ans que je dirige la mer depuis le haut du phare, quatorze ans que les bateaux obéissent aux signaux lumineux, passent leur chemin, continuent vers leur destination, accostent. Quatorze ans...Et quelques semaines seulement que le chœur des naufragés est monté vers moi, du fond des abîmes, un chœur antique de milliers d’années, qui gémit et se plaint mais aussi un chœur qui revendique.  Leur harcèlement me prend à la gorge, j’entends la mêlée des pirates noyés, des marins perdus à jamais, des matelots en béret blanc et des seigneurs en damas rouge ; ils sont des centaines, ils sont innombrables, ils sont menaçants...

Je connais bien la machinerie...Alors, ce soir, tant pis pour les bateaux !  J’éteindrai la

phare

lumière...

 Et ils pourront sortir de l’eau, triompher de leurs ténèbres, chanter la joie de renaître, les fantômes blafards, les ombres défuntes,  les échevelés et les rasés, les fillettes meurtries et les matrones engoncées, les hommes du Moyen-Age et les récents suicidés. Tous.

 Car, grâce à moi, ils retrouveront la nuit sur l’océan, la nuit infinie noire et déserte, qui permet aux ossements de revivre et je connaitrai enfin la paix, la bienheureuse paix. Et le silence...

 

LORRAINE

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Commentaires
E
la cauchemar du gardien de phare, ou la folie de la solitude au milieu des éléments déchainés, une puissante évocation !
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M
Eteindre la lumière pour que les damnés de la mer retrouvent le repos : l'idée est belle et magistralement habillée de mots. Comme toujours. Bisous.
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C
Aurais-tu été gardien de phare dans une vie antérieure ? J'ai senti jusqu'ici les battements de ton coeur et ton tourment. Quel texte magnifique !!! Gros bisous
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U
Tu m'épates à chaque fois Lorraine ! Tu as beaucoup de talent ! je suis admirative.<br /> <br /> Bonne soirée Lorraine
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M
J'aime beaucoup ton récit, Lorraine !
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