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LE CAHIER DU SOIR de LORRAINE
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20 septembre 2016

LE PETIT MONDE D'AUTREFOIS

 

         Quelquefois, je me dis que naître dans une maison au coin d’une rue a été pour moi une grande chance. C’est comme si je vivais dans deux mondes ayant chacun leur originalité, leurs particularités.

         J’ai déjà parlé de l’Hospice des Aveugles (« Les jours enfuis – 26 mai 2015) , essentiellement pour raconter ce que mes 5 ans pouvaient comprendre.  L’Hospice descendait juste devant chez moi , le long mur aveugle (lui aussi !) s’étalait amplement. Il servait de support aux affiches que, tôt matin, s’en venaient coller des peintres  en combinaisons blanches. Ils amenaient leurs hautes échelles en camionnettes, les hissaient quelquefois à la hauteur d’un premier étage et faisaient un signe amical à la fillette qui, de sa fenêtre en face admirait le spectacle. Les affiches, très hautes et très larges, se collaient par pans et exigeaient une grande maîtrise.

         Je recevais alors en plein visage le sourire du « Bébé Cadum », son teint de pêche et son fameux savon, ou encore le Pierrot lunaire franchissant à saute-mouton sa bouteille de Spa.

Spa Monopole

 

Bébé Cadum

 

         Plus loin,  là où personne ne collait rien (un écriteau l'interdisait formellement sous peine d'amende),  les garçons jouaient à la balle pelote, s'encourageant de la voix, rouges et lestes, et grands comme mes deux frères adolescents  Ils faisaient aussi le tour du bloc sur un vélo de course, en maillot de couleur,  une casquette enfoncée sur la tête,  la visière en arrière, pliés sur le guidon  Alors je me détournais.  Je n'aimais pas les courses.  J'allais à la fenêtre de l'autre rue,  la rue Blaes, surtout le dimanche quand dès le matin elle grouillait de monde. Alors arrivaient les chanteurs des rues.

      Lui, un grand sec en costume de velours brun, la casquette sur l'oreille,  haranguait la foule.  L'accordéon en bandoulière,  il en tirait de soudains accords déchirants, puis une petite musique aigrelette qui préludait à la chanson.  Elle,  le chapeau de feutre noir enfoncé jusqu'aux yeux,  le manteau vague et court qui découvrait de fortes jambes en bas de laine , noirs eux aussi, scrutait les amateurs du dernier tango ou du refrain troupier.

          Et soudain, serrant contre elle les partitions qu'elle vendrait ensuite au public alléché,  elle entonnait "Dolorosa, c'est la femme des douleurs...", ou encore "Les papillons de nuit s'envolent vers la flamme., comme au feu de l'amour s'en vont toutes les femmes...".  Son pied nerveux battait la mesure,  au bord du trottoir,  des jeunes reprenaient en hésitant un peu le couplet à la mode,  puis,  tout en guettant l'agent de police qui les ferait circuler,  lui et elle faisaient la tournée rapide du cercle qui se dispersait déjà.  Plus d’une fois, l’un de mes frères descendait promptement sur le seuil et en ramenait la dernière chanson fredonnée.

          Un peu plus loin,  les chanteurs reprenaient leur succès du jour qui égayait la rue de printemps…

         Je n’en avais pas du tout conscience, mais mes séances à la croisée m’ouvraient un univers disparate qui m’apprenait que nous ne sommes pas égaux devant la vie , et développait jour après jour, le si utile sens de l’observation.

 

LORRAINE

        

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Commentaires
T
Coucou Dame Lorraine !!! Sourire<br /> <br /> Observer !!! Quelle douce et inestimable faculté !!! Surtout quand elle est couplée à une belle mémoire qui du coup, nous restitue tes doux Souvenirs "comme si on y était"... Sourire Ravi<br /> <br /> Détestant la pub actuelle, j'ai une forte Tendresse pour les publicités d'antan... Les vieilles boites en fer aux couleurs de diverses marques, hummm, hummmm j'adore !!! Quant à ces belles et nobles affiches, comment résister devant cet Art qui à l'époque en était encore Un !!!!!!! Soupir<br /> <br /> Je te souhaite une très douce aprem' Dame Lorraine ainsi qu'une excellente semaine sereine !!!! Immense Sourire<br /> <br /> Mille très très tendres Bisoudoux Chaleureux<br /> <br /> ***Tincky***
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M
Quelle chance cette mémoire, j'ai peu de souvenirs pour ma part, j'ai peu de mémoire mais je tiens aux petits souvenirs que je possède...<br /> <br /> J'en parlais au telephone hier avec ma soeur de 13 mois de plus et on aimait à se remémorer un moment de notre vie avant la guerre, si peu, et pendant la guerre où il a fallu se cacher, mon père faisant de la Résistance, et à les enrichir finalement en apportant chacune son ressenti !<br /> <br /> Bon dimanche Lorraine, avec mon amitié
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C
Oui, tu avais le monde entier à ta fenêtre. Et toutes ces impressions d'enfance ont nourri ta belle sensibilité !
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J
En lisant tes mots chère Lorraine, je n'ai pu m'empêcher de penser à l'indifférence qui règne entre les êtres dans la rue actuellement. Plus de chanteurs des rues, chacun court avec ses écouteurs sur les oreilles, histoire de mieux s'isoler dans son monde musical. <br /> <br /> Je suis émerveillée par la précision de tes souvenirs, même les paroles des chansons ! La rue était donc ton divertissement favori, comme les écrans actuellement pour les petits ! Bonne soirée à toi. Bises amicales; Joëlle
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F
"... Elle m'enlevait prestement le journal des mains et je me demandais pourquoi! Quelques années plus tard, au lieu de lire, j'ai écrit!..."<br /> <br /> <br /> <br /> Tu veux dire que tu as aussi écrit des textes coquins ? On pourrait en voir un échantillon ? Hi ! Hi !<br /> <br /> <br /> <br /> Je t'envoie mille baisers de ma Bretagne ensoleillée (Faut pas croire tout ce qu'annonce la météo !).
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