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LE CAHIER DU SOIR de LORRAINE
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8 octobre 2009

ROUX ET LE PRINCE DES CHATS

fille_chat

    C’est l’été.  J’ai 4 ans, les cheveux coupés à la page et sur le dessus, retenu par une barrette, un nœud rose un peu de guingois. Assise devant la table, maman étale des groseilles vertes, rondes comme des billes mais duveteuses. Ses doigts agiles trient selon un rite mystérieux.

    Je suis bien. Le store descendu devant la fenêtre ouverte teinte de jaune la pénombre. Il oscille doucement, laissant entrer l’air et les bruits gif_chats_018de l’extérieur. Je ne bouge pas. J’espère de toutes mes forces que maman oubliera l’heure et que je resterai là, à vivre la vie des grands, au iieu d’aller à l‘école. On entend soudain un cri ténu.

    - Qu’est-ce que c’est ? Une petite bête qui pleure ? Où est-elle ?

    Maman repousse ses groseilles, s’essuie les mains, d’un geste prompt relève le store ; le soleil nous inonde brusquement, elle se penche à la croisée, attentive ; un chuintement vagit de nouveau, suivi d’un autre plus faible.

    - Je descends, décide-t-elle.

    Je suis sur ses talons. Elle ouvre la pore de la rue. Tout de suite, nous entendons l’appel qui vient du soupirail.

    - C’est un petit chat.Il est dans la cave, reste là, je vais le chercher.

    Avec précaution, je me plaque en haut des escaliers qui tournent, descendent et me fond peur. Ils ne sont pas fort éclairés et les grandes personnes, parfois, quand elles oublient que je suis là, lisent tout haut les faits divers, parlant de gens tués ou d’enfants retrouvés dans une malle.

    - Je l’ai, crie maman, toute animée. Comme il est maigre, le pauvre petit !

    Elle a relevé les pans de son tablier et tient dedans quelque chose qui bouge à peine.

    - Ah ! on a voulu se débarrasser de toi, mon lapin ! N’aie pas peur, on est là !

    On est là toutes les deux, dans la cuisine. Elle regarde soudain l’horloge, me fait de gros yeux, m’envoie me laver les mains, tout en installant le rescapé, bien maintenu entre deux coussins rebondis, dans le creux d’un fauteuil. Elle lui crie : « Je reviens » et m’emmène dare-dare à l’école qui allait fermer  sa grosse porte.

    Je fus très distraite cette après-midi-là, je pensais sans cesse à ce chat qui nous arrivait par on ne sait où. Ce n’était pas mon premier chat, mais je ne savais pas encore que toute ma vie serait parsemée de matous bonasses, de minets folichons, de petites nouveaux_n_sfélines rusées, de fieffés malins et de gros nigauds. Celui-ci était le précurseur d’une lignée aussi diverse que capricieuse qui émaillerait mon existence de joies bigarrées et d’une tendresse indéracinable.

    Quand je revins à 4 H, je me précipitai vers le panier où j’aperçus un bout de nez rose dans un pelage noir et deux grands yeux d’or un peu effrayés.

    - Je l’ai lavé, dit maman d’un ton dégagé. On prétend que les chats n’aiment pas l’eau, mais comme il était tout poisseux, je l’ai plongé dans la cuvelle et je l’ai savonné. Regarde comme il est beau !

    Beau et sec. Elle l’a aussi essuyé tendrement et il n’a pas l’air de s’en plaindre. C’est un drôle de chaton, haut perché, tout mou malgré son petit ventre repu d’avoir avalé beaucoup de lait. Mais bien vite, sur le bout de ses pattes semblables à des chaussons blancs, il marche à longs pas glissants sur le parquet ciré du salon. Nous l’appellerons Minouchet, mais lui il joue peut-être qu’il est le Prince des Chats ? Nous l’admirons tellement toutes les deux, moi assise sur mon petit banc de bois et maman si heureuse et si jeune quand elle rit ! Je suis tout au spectacle, mais elle, la voix un peu inquiète, s’exclame tout à coup :

    - Ah ! te voilà ! Où étais-tu, vagabond ?

    roux__Alalettre_CrLe vagabond ne ressemble pas du tout à un vagabond, c’est Roux, notre grand beau chat de maison ; il vient de faire son entrée, a sauté sans bruit sur le bahut et de là, immobile comme une statue, il toise le nouveau venu. J’ai peur tout d’un coup, on a dit devant moi un jour que les chats sont ennemis.

    - Dis, maman, c’est vrai ?

    J’ai chuchoté, un peu épouvantée de voir Minouchet tout hérissé, les quatre pattes ramassées comme s’il allait bondir. Mais il ne bondit pas, il s’assied, penaud, et contemple l’autre, ce chef.

    Roux ouvre tout grands ses yeux superbes : que va-t-il faire ? Nous attendons : debout sur ses pattes élancées, il agite une queue violente, qui fouette l’air, agressive. Minouchet se redresse lentement, sourit à demi, l’air gavroche,, ses yeux écarquillés se font ronds et charmants, il veut la paix, c’est sûr. Mais Roux baille, s’étire, et suprème offense, saute devant le chaton déconfit et s’en va, le frôlant de sa nonchalante houppelande. Ce sera longtemps la même indifférence.

(A suivre...si vous voulez!)

PASSANTE

"Chat roux" (Alalettre -Flikr - Creative Commons)

Chatons (je ne sais plus d'où vient cette photo, je la publie en espérant que son auteur me pardonnera de n'avoir pas ses coordonnées. merci à lui!)

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Commentaires
P
Vos désirs sont des ordres! Le temps de retaper mon texte...Merci de tout coeur!
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P
Ta maman et toi avez aussi opéré le sauvetage d'une petite chatte épuisée, une petite Miss qui a ensuite apporté son affection dans votre foyer. C'est tellement doux, l'amour de ces félins! <br /> Et puisque tu attends la suite, je vais la poster aujourd'hui.<br /> Bonne journée à toi!
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P
Ah oui! pour ça, il se la joue et il n'a pas fini! Moi, par contre, je vais finir l'histoire, heureuse qu'elle plaise à mes amis du blog! <br /> Bises, Lecouret
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P
comme tu dis, Pralinette, va avoir du fil à retordre...Je vais donc continuer ce récit authentique et qui vient de très loin!...:))
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P
Merci pour ta lecture attentive, qui me permet de corriger "existence"; le "s" ne m'avait aucunement troublée malgré les trois relectures!... <br /> <br /> Il est vrai que j'aurais pu laisser tout le texte au présent. Mais après la parenthèse explicative des chats de ma vie, le passé simple fait la transition entre l'école et le retour à la maison. Il souligne en quelque sorte que j'étais absente; dès que je rentre, j'écris à nouveau au présent. C'est un procédé que j'utilise souvent, de façon quasi inconsciente, qui module l'écriture selon les circonstances. <br /> <br /> Mais on peut très bien aussi garder le présent tout au long du récit. Merci encore, Nhand, je suis ravie de ton intérêt pour Roux et Minouchet...
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