Une vie
Parce que j'aimerais tant garder ce blog vivant (le mot est osé), parce que je me dis que vous seriez heureux de retrouver de temps à autre la plume élégante de Lorraine, je vous livre un poème qu'elle voyait comme une sorte de "point final", même si elle en a encore écrit bien d'autres ensuite. Il dit le passage du temps, la résignation face à l'inéluctable mais sa volonté tenace de rester debout, forte et semblable à elle-même jusqu'au bout. Et la sérénité. C'est peu dire qu'il lui ressemble.
UNE VIE
Comme l'herbe était haute aux jardins d'autrefois
Et secrets les sentiers allant à la dérive
J'avais dans le cheveux l'odeur âpre des prés
Quand je m'en revenais un peu lasse et pensive
Je n'irai plus jamais flâner près de l'étang
Les dimanches de mai quand le ciel étincelle
Et je n'entendrai plus le coucou lancinant
M'interpeler, moqueur, là, près des cascatelles
Je n'ai pas vu venir l'ultime lendemain
Qui m'attend quelque part au tournant de la vie
Le temps à pas feutrés me tire par la main
J'avais vingt ans hier. Et la mort me convie ?
L'âge m'a rattrapée, comme dans un tournoi
Il me terrasse et rit de me voir prisonnière
Mes gestes ralentis l'amusent. Et ce sournois
Gommerait mon passé, ma joie et ma lumière !
Mais je reste debout. Si je vais à pas lents
L'âge et moi nous marchons sans nulle défaillance
Il sait qu'il gagnera mais il ignore quand
Et je ne suis pas prête à faire allégeance !
Et puis un jour viendra. Ce sera le dernier
Un jour comme aujourd'hui sans craintes ni reproches
Je fermerai les yeux. Et mon coeur allégé
Suivra sans hésiter l'appel vibrant des cloches...