LA VIE CHANGE
On a taillé les haies dans le jardin de ma fille, et le robinier faux-acacia , et des arbustes dont j’ignore le nom. Cela fit un amas de branches mêlées, des bâtons noueux, et des brindilles éparpillées partout, jusque sous le noisetier et le long du sentier parmi les crocus.
Il faisait froid, mais chacun s’activait avant la tombée du jour. Et moi, assise dans la salle à manger, derrière la vitre de la terrasse, je les regardais ramasser ces fagots longs et échevelés ou plus courts mais drus, rassembler les outils, souffler brièvement sur les doigts un peu gourds, et par la porte derrière la cabane porter tout le bois dans la remorque prête pour la déchetterie.
Dans la prairie, Marianne se retourna et j’eus soudain l’impression de me reconnaître. En cette fraction de seconde, elle eut mon visage, ma façon de bouger et de marcher, elle était vraiment ma fille et pourtant c’est à son père qu’elle ressemble. Un geste, une expression, font et défont l’instant, c’est l’évidence. Et tandis que ma petite-fille et son ami chargeaient à grandes brassées les débris de cette après-midi jardinière, je pensais au temps où j’avais, moi aussi, un jardin de ville, des pensées dans un parterre, des roses autour d’un arceau, du muguet derrière les buissons, des pois de senteur escaladant la clôture et des corbeilles d’argent le long du chemin étroit. Aujourd’hui, je regarde se préparer les floraisons prochaines. Avant, je faisais de petits bouquets charmants pour de petits vases inattendus. La vie change.
Comme elle passe vite !
LORRAINE