SCENE MATINALE
Je prépare le café. Milord m’a saluée à sa façon, se roulant sur mes pieds nus, contorsionné sous les caresses, me gratifiant sur chaque cheville d’un baiser furtif de sa petite langue rapeuse. C’est le rituel de chaque matin, nous échangeons quelques mots, je garnis son écuelle, il reprend ses salamalecs et quand, enfin, je m’assieds pour déjeuner, il consent à déjeuner lui aussi.
Nous nous comprenons à demi-mots. Mais aujoud’hui, il joint le geste à la parole! Comme je rangeais l’appartement, il s’approcha de sa litière, la flaira; j’y veille avec soin et promptitude. Mais Monsieur est très délicat...et sans doute très pressé. En tous cas, il ne m’a pas laissé le temps. J’approchais quand d’un miaulement bref, il attira mon attention. Et d’un coup, d'une patte vive et précise, il tira l’essuie de cuisine suspendu au dossier d’une chaise, s’assit devant sa litière et me regarda...
J'obtempérai tout de suite. Sa silencieuse éloquence m’enjoignait de vider, laver et essuyer la litière à l’instant même. J’accomplis donc mon devoir. Alors, d’un pas mesuré, Milord occupa le lieu-dit et je m'éclipsai, respectant sa pudeur innée de félin.
LORRAINE