LE TEMPS D'AUTREFOIS...
Quand on a un long passé derrière soi, il est rafraîchissant de prendre le train en sens inverse, regardant le paysage, et de descendre à la gare appelée Enfance »... J’y suis retournée aujourd’hui...
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Les parents de ma petite amie préférée, Marie, étaient fripiers et vendaient des vêtements d’occasion sur la Place du Jeu de Balle, plus communément appelée « Vieux Marché », pas très loin de chez nous. La dimanche, la foule s’y pressait. Je me perdais parmi les grandes personnes, serrant fort la main de maman qui passait par là en allant « Chez Maria », la légumière, au coin de la rue de la Plume et de la rue des Ménages.
Ce quartier des Marolles déboulait sur le Vieux Marché flanqué d’un côté par l’Eglise des Capucins et de l’autre par la Caserne des Pompiers. J’aimais cette animation un peu délirante ; des musiciens jouaient de la trompette, les estaminets étalaient leurs terrasses l’été pour les buveurs de bière, et vendaient du bouillon l’hiver ; les fripiers hissaient des tentes carrées qui abritaient du vent et de la pluie les vestons démodés ou les robes défraîchies ; à côté, un marchand de clous et de lourds trousseaux de clefs (dépareillées, grandes, tordues, rouillées, où certains trouvaient leur bonheur), lisait en attendant le chaland ; un camelot faisait le boniment debout sur une chaise renversée, élevait des rouleaux de papier peint au-dessus de sa tête, les exhibait, les mettait aux enchères,en diminuait brusquement, le prix, en vendait trois, en remontait six, chaque fois différents et convainquait un public un peu miteux qui venait là pour payer moins.
Le marchand de disques liquidait les succès d’hier et le vieux photographe éreinté repassait inlassablement les plaques surannées qui égrenaient « Le temps des cerises » ou « Les lilas blancs ».
Les badauds fredonnaient parfois et si je connais tant de refrains, c’est sans doute d’avoir hanté ce quartier populaire où la gaîté facile jaillissait à fleur de lèvres.
Le pays d'Enfance, quel qu'il soit, tapisse les souvenirs de sa douceur enfuie...