ETRE OU DEVENIR SOI-MEME (4)

   Ont-elles violé mon « moi » intime ? M’ont-elles contraintes à parler alors que je voulais me taire ? J’y ai beaucoup réfléchi depuis.  Non, elles ne m’ont pas « contrainte », je pouvais fort bien ne pas répondre, les trouver indiscrètes et les envoyer paître. Simplement, je pense qu’elles sont arrivées au bon moment ; d’ailleurs si je m’étais inscrite à ces séances, je prenais des risques et les acceptais d’avance. Et leurs petits assauts ont en quelque sorte dégonflé la baudruche que je tissais involontairement autour de moi pour me protéger.

    Me protéger d’un sentiment d’infériorité largement nourri par mon passé. Je situe exactement mes manques et mes connaissances. Je rencontre presque chaque jour des gens d’horizons divers, au cours d’interviews, de reportages. Et certains me croyant intellectuellement leur égale, abordent en dehors du travail proprement dit,  un sujet de conversation que je m’efforce de déjouer avec diplomatie. Pour ne pas paraître ignorante. Pour sauvegarder l‘image d’une femme nantie des diplômes généralement exigés.

    Mes dossiers sont toujours solidement étayés, et je n’aurais pas fait un tel parcours si je n’en avais pas les capacités. Mais dans notre société, il est dangereux de montrer ses points faibles. Et il est probable qu’inconsciemment, je me suis forgé une armure. C’est indubitablement  ce qu’ont ressenti les participantes du groupe.

    Quand je me suis tue, il y a eu un silence. Puis Catherine m’a dit : « Je te remercie pour ce que tu viens de nous dire. Maintenant nous comprenons ». Un murmure de sympathie s’est élevé, on me souriait, le tour de table a été rétabli et cette fois, j’ai participé aux interventions. Et j’ai retiré, en fin de compte, une grande richesse de ces échanges dont je n’ai  donné ici qu’un aperçu, mais qui provoqua des remous et des prises de conscience chez chacune d’entre nous, grâce au regard des autres. Celles qui m’étaient le plus hostile ont évolué, elles aussi. Avec rudesse et franchise. J’y reviendrai peut-être un jour.

    « Etre ou devenir soi-même ? ». Pour moi, on devient soi-même un peu plus chaque jour, à condition de se remettre en question au moment voulu. J’en ai fait l’expérience. Elle a été positive, ayant compris finalement que chacun a ses dons et ses lacunes et que la simplicité est la clef de l’estime et de l’amitié.

PASSANTE

Comments

[Passante]

...oui, Coum, je le suis, nous les sommes tous un jour ou l'autre, mais c'est quelquefois difficile de le montrer ou de le dire. S'il est une qualité que je mets au-dessus de tout, c'est la simplicité. Peut-être parce que les autres "sentent" mieux notre vérité quand nous ne nous efforçons pas de la déguiser. Mais tu sais cela, toi, Coum, tu connais les bienfaits et les méfaits d'une certaine popularité, la prudence souhaitable sans qu'elle soit néanmoins un obstacle, une façon d'être et de dire qui puisse toucher l'interlocuteur et finalement la simplicité d'être soi-même, comme tu le dis si bien. Merci, chère Coum, pour ton message qui me touche et pour ton amitié chaleureuse...et partagée!

[Coumarine]

Chère Lorraine,
Je viens de lire d'une traite les épisodes que tu racontes...
Et moi qui crois te connaître, qui ai eu si souvent l'occasion de voir tes qualités (humaines et de plume)je découvre une Lorraine d'autant plus attachante qu'elle se rend (ici aussi) vulnérable...
Finalement quand on dit en simplicité qui on est, quand on quitte le masque derrière lequel on s'abrite, on crée des liens...
Les autres se retrouvent dans ce que l'on dit (ces peurs d'être incompétente, ce souci d'éloigner les conversations difficiles car on ne connait pas le sujet...)
C'est très instructif ce que tu écris ici, aussi pour les blogs, leur contenu "intime"...
Bien sûr, il faut rester prudent et réservé sur ce que l'on raconte de soi...mais la simplicité d'être soi-même rapproche plutôt qu'elle ne provoque des jugements moqueurs
Merci pour cette tranche de vie...
Je t'embrasse, non sans te répéter que je t'apprécie énormément, et que j'ai énormément d'amitié pour toi

[Lorraine]

certainement, Lecouret, il est des situations où ce genre de "confession" semblerait déplacé. J'ai senti qu'il "fallait y aller", sans doute parce que, inconsciemment, j'avais situé l'assemblée: des femmes (dont quelques-unes indécises), d'autres méfiantes et une sympathisante. C'était un combat régulier, donc pas impossible. Et la suite me l'a prouvé. Merci d'avoir suivi ce cjeminement intérieur, ami.

[Lorraine]

...Maz, ma vérité te semblera d'autant plus limpide! Amitié.

[PASSANTE]

...qui m'a été utile dans la vie, Tilleul: savoir que, même si au premier abord on ne voit qu'indifférence, il y a des valeurs dans chaque personne. Seulement il faut laisser le temps agir. Merci pour ta lecture fidèle.