BONJOUR, RITA (SUITE)
Avait-elle besoin de partir neuf jours pour nous ramener trois chatons noirs éclairés de banc, exactement comme le prénommé Minou, leur père vraisemblablement ! Comment ils se sont rencontrés ? Comment, par-delà les murs hauts, les portes fermées, les autres matous rôdant et grondant, comment ont-ils fait pour se rejoindre ? Mystère de l’amour ? Choix délibéré ? Hasard ?
Rita et Minou sont un couple désormais séparé, qui s’ignore. Elle repart encore, furtivement, humer l’air du dehors, me laissant la garde des chatons qui dorment, enlacés ou s’empoignent déjà en de joyeuses bagarres. Mais elle revient vite, les flaire et les retrouve.
Les chattes, dit-on, cherchent la sécurité pour leurs petits. Rita n’avait-elle pas trouvé la sienne dans son panier habituel ? Il paraît que le déménagement des jeunes est un acte hérité de la vie sauvage. Quoi qu’il en soit, rentrant un après-midi après le bureau, j’aperçus la porte du buffet entrouverte par une patte adroite et, sur le tas de serviettes de table, Rita et sa famille. Je les retirai doucement et les reposai en expliquant bien à la chatte que le nouveau coussin rouge placé dans sa couche était une gâterie plus confortable que mon vieux pull roulé en boule. Elle parut comprendre. Mais, le lendemain, rentrant à la même heure, je la surpris dans un exercice périlleux : comme elle avait coutume de le faire en temps ordinaire, elle sautait de la cuisine sur la véranda et de la véranda à l’appui de fenêtre de la chambre. Seulement, cette fois, elle transportait dans ses mâchoires, avec douceur et par la peau du cou, son troisième nouveau-né. Comme en léthargie, il se laissait faire et pendouillait passivement.
Je courus à la chambre : elle avait installé la nichée sur la descente de lit et les réunissant autour d’elle, en bonne nourrice, les allaitait pour les remettre de leurs émotions. A tout hasard, espérant lui faire plaisir et cesser ces pérégrinations, j’ai enlevé le coussin rouge du panier et remis à sa place le vieux pull que j’avais remplacé par des linges avant la naissance afin d’éviter les souillures. Rita, satisfaite, n’a plus cherché un autre nid.
Elle repartit un soir d’été tout baigné de parfums, reparut quinze jours plus tard, tout en carcasse, sale, les flancs crottés, mais n’ayant oublié ni le chemin de notre maison ni son cri d’appel devant la fenêtre que je lui ouvris, le cœur étreint d’émotion. Sa troisième escapade ne nous la rendit plus. J’imagine que, partie trop loin à la recherche du Prince Charmant, elle s’égara.
Quand j’entends dire que le chat ne s’attache pas à ses maîtres, je revois la petite bête douce et silencieuse qui égayait notre maison et j’ai pour elle la pensée chaleureuse que l’on réserve à l’amie disparue à jamais.
PASSANTE (A suivre)