LES COLLIERS D'ALINE
Ah ! Son goût amusé pour les colliers de pacotille ! Tenez, ces perles cabossées, elle en enserrait son cou juste à ras, avant l’étranglement. Elle disait: "Je suis décapitée de vert."
Mais moi j’étais mal à l’aise. Sur les quais, elle chipotait dans les échoppes
et ses doigts sûrs extirpaient la funèbre chaîne noire, aux pendeloques de faux
rubis, étagées comme un chandelier russe sur sa peau blanche soudain impérialement
lumineuse.
Les chaînes, elle en avait
. Une fine en argent, mais longue,
arrêtant au milieu des seins un cabochon qui ressemblait à une médaille mexicaine. Tout autre qu’elle eut fait rire. Mais elle y mettait si peu d’apparat,
elle la laissait rebondir avec tant de naturel, qu’on se disait : « Mais
oui, c’est son style », tout en sachant qu’elle n’avait pas de style
simplement des caprices. Et sans
doute un profond instinct de ce qu’elle était : une fille spontanée, vive et sans calcul.
On lui offrit de vrais
bijoux. Elle les porta. Mais sans doute y sentait-elle la
respectabilité fallacieuse dans laquelle ils tentaient de l’enfermer. Elle les délaissa souvent, s’entichant
de chaînettes offrant juste une goutte d’eau bleue dans le décolleté
modeste. Mais un vent de fantaisie
lui rendait le goût du sautoir aux perles multicolores, long jusqu’au nombril
et qu’elle nouait parfois au niveau de l’estomac. Car elle se moquait des modes. Elle contrastait deux colliers inharmonieux autour du cou et
ils faisaient une surprise inattendue sur le pull uni qui en retirait toute sa
vivacité.
Je crois qu’elle s’inventait
des vies. Je l’aimais. Elle ne m’écouta pas. Les hommes trop
sages l’ennuyaient. Elle épousa un
garçon qui lui racontait ses projets insensés. Elle n’y crut pas mais fit semblant . Et ils furent
heureux .
LORRAINE