MA SOEUR DANSE...
J’ai connu l’époque où les jeunes filles « convenables » n’allaient danser qu’accompagnées de leurs parents ou en tous cas de leur mère. Les mots d’Adamo « Vous permettez, Monsieur » devenaient « Vous permettez, Madame ? » et je revois maman acquiesçant d’un léger sourire au garçon poli qui invitait ma grande sœur..
J’étais là, bien sûr ! Où m’aurait-on mise pour cette soirée d’été au Bois de la Cambre, où sous l’ombrage des arbres nocturnes se déchainaient les orchestres entrainants ? A 4 ans, quelle joie cette turbulence, ces robes lamées de perles, ces roses au corsage, ces chapeaux à aigrettes, ces dames respectables et ces jeunes filles en fleur ! Petite parmi les grands, je piétinais dans mes souliers vernis, comprenant vaguement que le garçon qui revenait s’incliner devant maman comptait bien revenir encore et encore…On me mit sur la balançoire. J’eus la nausée. Je pleurai. On me retira de la balançoire. On me donna un bonbon à la menthe. J’entendis les deux amies de maman parler entre elles : « Elle la gâte trop. » « Et la petite fait ce qu’elle veut »…Ce qui était faux et que je compris. Et, apparemment, que je n’ai pas oublié !...
Seize ans entre ma sœur et moi, c’était beaucoup. Mais fallait-il sacrifier le plaisir de l’aînée
au profit de la plus jeune ? Je le compris beaucoup plus tard, réalisant que cette époque conventionnelle priva très souvent ma sœur des plaisirs de son âge. Cette soirée au Bois fut la seule. Elle n’alla que très rarement danser, accompagnée cette fois de nos deux frères qui lui servaient de gardes du corps (ils étaient très proches, nés tous les trois à un an d’intervalle !). Et elle épousa leur meilleur ami.
Quelquefois je repense aux flonflons d’autrefois. Comme aujourd’hui…
LORRAINE