PLEIN SILENCE
Je crois qu’on écrit différemment une consigne selon qu’elle émane de tel ou tel Atelier d’Ecriture. En effet, l’essence même des sujets diffère; certains responsables sont plus fantaisistes , et nécessairement entraînent le participant à la fantaisie. D’autre privilégient la difficulté et vous somment d’interpréter une image en cent lignes, fouettant ainsi votre imagination. D‘autres encore vous proposent sadiquement l’écriture d’un texte d’après un thème imposé mais en évitant obligatoirement certaines lettres. C’est ce qu’on appelle un lipogramme. A vous de résoudre ou non ce casse-tête.
Ajoutons que si la personnalité du responsable varie, chacun s’arrange aussi pour vous surprendre de façon inopinée: le fantaisiste devient soudain sérieux et vous propose comme sujet “une cathédrale”, dont vous ferez ce que bon vous semble. Quant au responsable “sérieux” qui vous a habitué à des thèmes hérissés d’épines, il vous offre soudain un dessin d’enfant représentant Blanche-Neige qui vous ramène vers vos souvenirs. Bref, les Ateliers d’Ecriture sont une excellente façon de se dérouiller les méninges...si on est en forme. Sinon, mieux vaut attendre la semaine suivante et écrire si je sujet vous convient.
Je vous propose la lecture d’un texte en trois strophes de six vers chacune. Voici les trois contraintes: il fallait éviter les “o” à la première strophe, les “t” à la seconde, les “i” à la troisième!...Ce fut un travail difficile. J’ai tenté d’être cohérente, mais il était malaisé de s’envoler vers un lyrisme de bon aloi! Voici donc:
PLEIN SILENCE
Un beau et plein silence embaume le matin
Quand le ciel apparaît dans sa nudité grise
Un silence zébré par le léger dessin
D’un merle qui s’élance et s’ébat dans la brise
Un silence perçu avec les yeux de l’âme
Un silence d’argent auprès de l’étang pur
Tandis que dans l’air dru un sifflement émane
Le sifflement hardi d’un élan dans l’azur
Le silence endormi sur la prairie voisine
S’éveille sans savoir si le jour sera doux
Il soupire et déjà le soleil d’or l’anime
De son rayon vainqueur, haï du loup-garou.
Le plein silence aussi règne dans la maison
Où sommeille l’enfant couché dans son berceau
Une cloche enrhumée scande vers l’horizon
Les six coups du clocher sans le moindre sursaut
Dans la ferme le coq entame sa journée
Debout sur le purot où sa chanson résonne
Attestant haut haut et fort que l’heure est avancée
Et attend le labeur des bêtes et des hommes
Le monde alerté sort de sa somnolence
Cependant que bourdonne le décevant repos
La clameur éperdue se propage et danse
Plongeant pour tout un jour l’être dans le chaos.
LORRAINE
Photo MVH