SAINT FRUSQUIN
Certains mots sont comme nous : ils ont un passé, un présent, une fin. On ignore leur date de naissance, on les croise dans une conversation, ils nous restent en tête, on les retrouve soudain dans le discours d’un ami, le présentateur du Journal de 13 Heures l’utilise tout naturellement, les medias s’en emparent, voilà, ils sont installés et vont vivre leur vie.
« Bidule », par exemple, eut son heure de gloire. Je l’entendis pour la première fois dans la bouche d’un jeune cousin ; il le ramenait de France mais la Belgique fut vite contaminée. Tout était « bidule » : un petit gadget (tiens, un autre mot qui s’est infiltré !), un bouton perdu, un attache-tout, le vernis à ongles et tout ce que vous voulez. Un truc, un machin, trois fois rien, quoi ! Et puis, doucement, bidule a pris sa retraite. Il faut dire que le langage ces dernières années a été furieusement envahi par des armées d’anglicismes . Où est le temps du Saint-Frusquin ?
Lui aussi a fait partie de la vie courante (et quelquefois encore, de très bons auteurs l’emploient judicieusement), il signifie « attirail, bazar, habit, vêtements » et j’entends encore mon frère s’écrier :
- Où est passé mon Saint-Frusquin ?
Ca, il n’avait qu’à le ranger. « Bataclan » fut à l’honneur quand j’étais à l’école primaire. On oubliait son « bataclan » ; on ramassait son « bataclan », on devait surtout ranger son « bataclan » qui, selon mes souvenirs, incarnait le contenu de notre pupitre et les mille et une choses qui ne devaient pas s’y trouver.
- Quel bazar ! s’écriait Melle Aline en inspectant les pupitres.
Bazar, c’était en quelque sorte l’équivalent de « bataclan ».
On dit encore : « Quel fourbi » , « tu as ton barda ? « , « range-moi ce bastringue », « à quoi sert tout ce tralala, »...mais j’ai l’impression qu’ils s’en vont sur la pointe des pieds, ils sortent par la porte de côté et se fondent dans la nuée des mots oubliés, qui pourtant avaient du yumph (tiens, il me revient, celui-là) et un certain panache !
Bon, il est temps, je ramasse mon saint-frusquin et je m'en vais...
LORRAINE
Un Saint-Frusquin très sympa