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LE CAHIER DU SOIR de LORRAINE
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LE CAHIER DU SOIR de LORRAINE
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30 novembre 2009

BROU L'ESPIEGLE

 

   Monsieur Henri, tout le monde le connaît. Un rideau se soulève sur son passage, une main cogne au carreau. On l’arrête dans la rue, on lui fait signe, il est la providence des vieilles dames du quartier et s’en va d’un pas menu, qu’il vente ou qu’il pleuve faire les courses des isolés, des malades, des plus vieux que lui et des moins valides.

 L’été, en veston clair, l’hiver boutonné jusqu’au cou dans son pardessus de ratine, la casquette en coin, le filet à provisions bien en mains, notre retraité déambule. Bien sûr, je l’ai alerté quand Rita s’en est allée ; il connaît tant de voisinage qu’il aurait pu avoir des nouvelles de la fugueuse. Hélas, ses recherches furent aussi vainesî mais de nous être entretenus d’elle, nous en avons gardé une amitié qui va au-delà du bonjour. Entre amis de chats, on se reconnaît ; il en a deux, lui, «  des malins, des matous gros comme ça, de vrais pépères » qui n’en s’en iraient pa comme ma dévergondée, parce que l’air a un goût d’automne ou que le printemps pointe le nez !

 Bref, le temps a passé et nous arrivons doucement à l’hiver. Les soirées sont longues, le café d’à côté allume tôt et clair la rue en biais, jusqu’au trottoir d’en face ; parfois des rires résonnent tard, ou un air d’accordéon. Monsieur Henri ne va pas au café, mais il salue les tenanciers, comme aussi l’accorte patronne de la laiterie qui jouxte le bistro. Notre quartier est modeste et bon enfant ; il a ses joies et ses gens bien à lui, ses moineaux, ses pigeons, ses chiens familiers et, dans la lumière crue dessinée par la vitre des « Bons amis », vous ne me croirez pas, un chat !

 -Un chat noir, oui, Madame, un chat perdu certainement, qui dormait là, presque dans la rigole, par un de ces froids !...

 Monsieur Henri en tremble encore.

 - Et qu’avez-vous fait, Monsieur Henri ?

 - Vous pensez bien que je m’en suis occupé ! Je l’ai pris, emporté chez moi, mais quel raffut ! Mes deux malabars se sont dressés comme des chats sauvages ! Ils n’avaient pas honte, pensez-vous ! Ce qu’ils craignaient, c’était la concurrence, la pitance noir_Mel1st_Flickrà partager, la chaleur du feu…Ils m’ont fait une de ces vies ! J’ei enfermé le rescapé dans ma chambre, mais il ne peut pas rester là, vous comprenez ? Les autres lui feraient son affaire un jour ou l’autre et je me suis dit : »qui sème le vent récolte la tempete ». Alors, voilà, je dois m’en débarrasser, forcé contraint…

 Oh ! j’ai compris tout de suite ! Si monsieur Henri, ancien percepteur des postes, parle comme un livre, il a aussi l’art d’amener la conversation exactement là où il veut, c’est-à-dire à moi. Mais oui, il sait très bien que je me sens orpheline depuis le départ de Rita et il a pensé que…

 Moi aussi, aussitôt j’ai eu la même idée. Mais est-ce que je peux, d’un coup, comme ça, introduire un pensionnaire sans en parler à Maurice ?

 - Monsieur Henri, si vous veniez ce soir, après 7 heures, avec le chat perdu…Mon mari e verra et, comme je le connais, il ne résistera pas.

 Il ne résiste pas.  A 7 H. j’ouvre à Monsieur Henri, il porte sur son bras et soutient de l’autre main, un beau chat moelleux, tout fourré, qui nous regarde de ses yeux arrondis, un peu effarés mais sans un soupçon d’inquiétude. Il n’ pas peur, pas le moins du monde, c’est un chat qui a choisi la confiance. Je le reçois contre moi.

 - Eh bien, dit Maurice, qu’est-ce qu’on va faire de toi, mon bonhomme ?

 - Broû..ou..ou, miaule l’adopté.

 Parce qu’il dit « Broû.. » comme les autres disent « Mi-aw » ou « Mi-a-ou ». ils ont chacun leur langage, c’est trop simple de prétendre qu’ils baragouinent tous le même charabia. Celui-ci dit « Broû » et en même temps, c’est comme s’il déclinait son identité. Maurice le prend à son tour et lui gratouille le menton ; le chat lui prend le poignet entre ses deux pattes, délicatement, ongles rentrés pour avertir qu’il ne faudrait pas le serrer trop, l’agacer, l’inquiéter, le brusquer, accuser sa supériorité d’une façon quelconque : il a des griffes et, s’il fallait, il pourrait s’en servir. Mais Maurice sait tout cela d’instinct, il comprend les mimiques et les signes et calmement lui lisse les moustaches. Yeux fermés, l’air béat, le chat s’abandonne à la caresse. Monsieur Henri me regarde : nous avons gagné !...

 

PASSANTE (A suivre)

(photo: chat noir Mel1st (Flickr)

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Commentaires
L
Ta façon de raconter est superbe! C'est ce qui m'enthousiasme!
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Q
Je suis heureuse que ce duo t'ait plu.<br /> J'aime ton enthousiasme... Merci à toi.
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P
C'est magnifique! J'écoute et réécoute Rossini et les jeunes interprètes sont des imitateurs incomparables! Merci, merci, Quichottine, de m'avoir transmis ce youtube où se retrouvent les inflexions félines dans tous leurs états!
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P
Ah! je suis ravie, ta petite Cali utilise aussi "son" propre langage...Et ses moments rigolards, en plus! A moins que ce soit nous qui ayons l'oreille fine?...
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P
Il s'est présenté comme un étranger, mais il appartenait bien à la race...<br /> Tu sais, je n'aime pas le téléphone "importun", celui qui veut te vendre n'importe quoi, ou les gens qui ont du temps à perdre (ce qui n'est pas ton cas, je le sais!). Je n'englobe pas mes amis dans le lot! Avoir de tes nouvelles me fait toujours plaisir, par téléphone ou par mail, au choix! Bisous, chère Agnès.
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