DAVID ET Cie
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David, on joue ?
Intéressé,
il m’observe. Jouer, oui, mais à quoi ? La porte de la chambre est
ouverte, je me faufile derrière, et aplatie contre le mur, je passe le bout de
mes doigts dans la feuillure. De l’autre côté, une patte rapide les saisit.
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Doucement, David, doucement. Là, très bien…Alors, maintenant on change ?
On
change ? Ca veut dire ?...Son oreille droite (la plus délicate)
frémit imperceptiblement, tandis que j’émerge de ma cachette. En un éclair, il
m’examine et, je le vois à son museau concentré, il a compris. Déjà, il
s’engouffre à ma place. C’est le bout de sa patte à présent qui apparaît dans
l’interstice et ma main qui le rejoint, monte, redescend, tandis qu’il essaie
de la capturer. Je répète : « On change ? » et aussitôt il
apparaît. Je prends sa place ; Trois fois, cinq fois, nous nous livrons à
cette partie de cache-cache, dont il a saisi le sens du premier coup. Je n’en
reviens pas. Je le savais observateur, vif, intelligent pour tout dire (mais
oui, mais oui !-, pourtant j’imaginais qu’il faudrait au moins quelques
séances pour qu’il réalise ce que j’attendais de lui. Pas du tout !
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Ce n’est pas un chat, c’est un mutant, conclut mon mari qui ne se perd jamais
en longues considérations.
Le
mutant se rengorge. Il sait, lui, qu’il évolue doucement vers une race
supérieure : celle de l’homme…Sans doute lui manque-t-il la parole, il en
convient, mais il a mille autres façons de se faire comprendre. Par exemple,
quand Marianne et moi bavardons dans la chambre après l’école, il dort
généralement en rond sur la courtepointe. (Nous avons renoncé à l’en déloger,
il est plus têtu que nous !). Il s’éveille, s’étire, saute discrètement
sur le sol et miaule. Un miaulement aimable qui demande poliment la sortie.
Nous n’entendons rien. Il patiente, puis tourne la tête vers nous et
insiste : « Miaaaouou… ». Une fois, deux fois, trois
peut-être…Son air est réprobateur ; il faudra qu’il emploie les grands moyens
et il ne le souhaite pas, non. Il a un naturel accommodant, mais puisque nous
sommes sourdes…Il marche posément vers le fauteuil, son corps s’arque-boute sur
les pattes arrière et, nous regardant bien en face, sans hypocrisie aucune, de
ses pattes il laboure profondément le velours grenat. Nous bondissons
ensemble : « David !... ». Il est déjà à la porte que l’une
de nous ouvre avec précipitation. Et il descend, impérial, vers d’autres
divertissements, tandis que nous nous félicitons d'avoir prévu à cet endroit le
plus fatigué de nos fauteuils…
PASSANTE (à suivre)