DAVID ET C°
L'envie de déménager nous était passée depuis un certain temps, quand notre propriétaire vendit la maison. Le nouveau voulut l'occuper et en deux temps trois mouvements nous fûmes contraints de chercher ailleurs.
Cette fois, nous louons une maison. Pas n'importe laquelle: drôle, un peu de guingois à deux entrées: une devant aurez-de-chaussée, l'autre derrière de plein-pied avec la pelouse un étage plus bas, ouvrant sur une pièce riante, carrelée de tomettes, rehaussée d'une vaste cheminée, réchauffée par un âsapintre, le tout entouré sur trois faces d'un jardin luxuriant de fleurs et d'arbustes. C'est le coup de coeur, la baguette magique qui nous rend locataires de cette maison percée de fenêtres Art Déco, où des vitraux bleus dessinent des pétales roses. des volets se ferment le soir pour mieux nous enclore; et David a tout de suite marqué son territoire, faisant à pas comptés le tour du rosier, se faufilant derrière l'aubépine rose, le long du treillis qu'escaladent les pois de senteur et qui sépare notre maison de la voisine. Il a découvert et longuement humé le noisetier, s'est couché au bas du noyer, mais ne s'y sentant pas à l'aise a tourné un peu et s'étale, enfin, long et satisfait sous le sapin qui surmonte une herbe un peu jaunie par le soleil d'été.
Marianne a 19 ans maintenant et David, eh bien David a donc 11 ans, admirablement portés, il faut le reconnaître.
"Comme le temps passe" soupire-t-il en clignant ses yeux d'or que l'été éclabousse. Je suis vigilant, Dieu merci, et je chasse les rôdeurs qui s'aventurent ici. Il font un détour pour éviter le jardin, car ils me craignent."
Lpisté, chien, es rôdeurs, comme il les appelle, ce sont les autres chats venus avec prudence reconnaître les lieux et le nouveau matou.L'un est resté perché sur le mur qui longe l'avenue; David lui a lancé un grognement de mauvais augure, le visiteur a soufflé très fort, est resté un peu, par contenance, puis s'est éloigné à longues enjambées. L'autre a sauté étourdiment dans la prairie et sans bien se rendre compte de ce qui lui arrivait, a été pisté par un colosse furieux qui l'a proprement expulsé. Quelques curieux sont arrivés par la plate-forme mitoyenne ou tout simplement par la grande entrée. Mais la prestance de David, sa carrure, sa voix qui miaule haut perchée une colère légitime, les ont chassés sans résistance.
David s'est rapidement établi un itinéraire, une sorte d'emploi du temps qui commence - cela va sans dire - par une tournée méticuleuse du jardin.Après quoi, histoire de se distraire un peu, il remonte le chemin jusqu'à la grille ouverte, s'assied devant et regarde avec bienveillance les passants et leurs chiens. Il les connaît tous: le griffon de la vieille Madame Courtin, Sam le labrador qui aime tant jouer, Bibi la petite teckel toujours tenue en laisse, et le remuant caniche du libraire qui s'en va tout seul faire un tour, quelle que soit la saison. Je pense qu'ils échangent des mots, j'ignore qui connaît le langage de qui, mais ils se parlent, j'en jurerais, quand l'un s'arrête devant l'autre comme deux bons voisins qui discutent du prix de la vie. Les chiens du quartier savent, bien entendu, que David est un bon zigue, même s'ils ont assisté à quelques fuite haletantes de chats imprudents; une fois pour toute , chacun a compris que les ennemis de David ne sont pas les chiens, mais les autres chats!..
PASSANTE (à suivre)
Photo: (astrologue63 - flickr)