VOUS ETES ETERNELS
Tous les gens qui ont traversé ma vie, je les revois. Tels qu’ils étaient ? Sans doute pas, tels que je
les ai perçus, imaginés, sculptés dans mon souvenir ou
déniés. Des gens, des étrangers, des proches, des amours , des rencontres fortuites, des amitiés qui auraient pu être et ne
furent pas.
Ils font une sarabande multicolore et me rappellent le temps de
l’insouciance ; le temps des
copains, Johnny qui cuisinait à ma
place, un essuie de cuisine sur
ses hanches étroites, François
disert et drôle, Suzanne, Andrée, Huguette, ma
jeunesse, quoi !
Ces gens ! Ce mage
chez qui je fus secrétaire, qui
tenait bureau et lisait dans les lignes de la main, ses lunettes perspicaces, sa cigarette désinvolte, ses mains baladeuses, sa femme jalouse. Cet
éditeur russe, au regard lisse et
sournois, ses manuscrits à relire
et son va et vient de reptile autour du bureau. Le pédicure chinois assis sur son tabouret, le coiffeur un rien évaporé, la jolie voisine volage, le voisin d’à côté, son singe sur
l’épaule, à qui il ressemblait dans l’aimable grimace du sourire.
Ces gens ! Je ne parle pas de toi, que j’ai aimé, ni de toi, maman, ni de mon père parti trop tôt. Non, vous n’êtes pas la foule, vous n’êtes pas les ombres passagères qu’on côtoie et qui s’estompent dans le tourbillon des jours, parce qu’on est fait pour se croiser, s’aimer bien et se perdre.
Mes amours de cœur et de sang, je vous garde à l’abri dans le tabernacle de mon cœur.
Eux, ils passent.
Vous, tant que je vivrai, vous êtes éternels.
LORRAINE