LE CHAPITEAU
(Sujet de la consigne: écrire d'après la photo du squelette d'un chapiteau)
C’est fini. Le chapiteau a perdu son linceul. La fête a éteint les lampions. Rien. Il ne reste rien. Pas un parfum de poudre de riz
éventé, pas un écho de ces rires
paillards quand la danseuse du ventre a agité ses seins et ses hanches. Rien, vous dis-je. La
nuit est sombre. Le squelette de
poutres entrecroisées repose pesamment dans le silence.
Une fête, c’est quoi ? Des gens contents, peut-être même heureux pour quelques
heures. Une foule, ça réchauffe. La musique tourbillonne par-dessus les têtes, lance des serpentins, bat la mesure, entonne un couplet, un refrain qu’on déforme à qui mieux
mieux. Sans importance !
Tous les gars du village sont
venus. Les filles d’ici et du
village voisin aussi, les belles
et les autres, celles qui dansent
et celles qui font tapisserie. Si
personne n’invite, elles se
décident et, entre laides, tournent par deux au milieu de la
salle. La plus hardie crie
soudain : « Changez ! » et la voilà dans les bras du mec le plus costaud qui l’accepte parce
qu’il faut bien.
Au comptoir, ceux qui ne dansent pas s’agglutinent. Ils racontent des blagues et rient en
se tapant sur les cuisses. Des
retardataires tentent d’entrer, la
préposée compte les sous et leur flanque sur le dos de la main le cachet qui
atteste qu’ils ont payé.
Le chapiteau partira
demain. D’autres amours
l’attendent, il est la promesse
des aveux, des rencontres, des serments éphémères, des chagrins cachés, des espoirs déçus et de toutes les
détresses dont il se moque, lui
qui n’a pas de cœur.
LORRAINE