LE MARIAGE DE MON COUSIN
La consigne des "Imprompus" avait pour titre: "Le mariage de mon cousin". J'ai donc puisé dans mes souvenirs...
"La robe de mariée" - Tableau de Delvaux
Au mariage de mon cousin, dans trois mois, je serai une des quatre demoiselles d’honneur, la plus jeune. La fiancée me l’annonce en riant, je suis éperdue, je dis “Mais je n’ai pas de robe..” et les autres se moquent de moi. “Mais, Lorraine, nous serons quatre habillées de même, en robe de soie blanche brochée de petites fleurs peintes, on a choisi le modèle et le tissu, tu verras comme nous serons belles!”, s’exclame Arlette, la soeur du marié, Elle, sûrement, elle a vingt ans, des yeux noirs, une allure de princesse. Moi j’ai 14 ans et je n’en mène pas large.
- Tu feras bientôt connaissance de ton garçon d’honneur . Il a réussi ses examens et passera quelques jours de vacances ici.
Comme maman et moi le faisons chaque année. C’est d’ailleurs aujourd’hui que nous sommes arrivées et qu’on m’annonce la nouvelle. Maman était dans le secret, je le vois à son regard pétillant, tandis que je suis partagée entre la joie et la terreur! Certes, j’ai envie d’être à ce mariage; mais faire la quête à l’église tenant mon garçon d’honneur par le petit doigt, et de l’autre main un petit panier d’argent pour recueillir les oboles me fait froid dans le dos. “Il s’appelle Lucien”, me dit-on comme si on me faisait un cadeau. Lucien! Je ne vais pas le porter dans mon coeur, celui-là!...
Et puis nous sommes allées chez Mme Manet, la couturière. Un fouillis de soies et de cotonnades encombre le divan, l’armoire, la table. Des catalogues ouverts traînent par terre.
“Mettez-vous”, dit Mme Manet, “mettez-vous”...
Je me “mets” de guingois sur une chaise, déplaçant discrètement une pelote d’épingles et une paire de ciseaux. Mme Manet m’aide à passer par-dessus la tête la longue robe au doux bruissement.
“Vous avez vos chaussures de mariage, j’espère? Bien, enfilez-les, je dois vérifier l’ourlet. Vous marcheriez dessus si la jupe est trop longue. Voilà, tournez maintenant”...
Je tourne. J’ai déjà tourné aux deux essayages précédents, mais Mme Manet est minutieuse et se relève, satisfaite.
- Parfait, Melle Lorraine. Vous allez faire des ravages...
Son sourire édenté est sincère. Moi, un peu penaude, je regarde dans la glace cette longue fille mince, ce visage pointu à la peau claire, ces yeux qui interrogent. Allons, Lorraine, n’aie pas peur de trébucher, de rater une marche, de marcher sur ta robe en montant en voiture, d’être ridicule, enfin, comme tu le crains depuis qu’on fait de toi une “jeune fille”!
XXX
Ce fut un très beau mariage, très joyeux, très heureux. ..Puis il y eut la guerre. Mon cousin entra dans la Résistance du Vercors. Il laissa, en 1944, une veuve et trois orphelins..
LORRAINE